Quand le marché des ressources reprendra de la vigueur et que le secteur minier exigera des quantités énormes de travailleurs au nord, quel impact cela aura-t-il sur les entreprises du sud? Les salaires industriels payés au sud pourront-ils concurrencer ceux, très alléchants, payés au nord?

L'Association de la construction du Québec (ACQ) reconnaît se poser sérieusement ces questions, elle qui regroupe les entreprises en construction de la province. Selon ses prévisions il pourrait y avoir pénurie de travailleurs de la construction d'ici 2020.

En 2012, on compte 160 000 travailleurs de la construction au Québec. L'Association estime qu'il en faudra 165 00 en 2020. Comptez que d'ici là, 44 000 travailleurs actuels de la construction auront pris le chemin de la Floride et de la retraite.

« Cela place le besoin réel à combler à 49 000, estime Jean-Philippe Cliche, économiste à l'ACQ. Or notre capacité actuelle de formation est de 28 000 nouveaux travailleurs diplômés par an. L'arithmétique élémentaire nous dit que l'on aura un manque de 21 000 travailleurs. »

Selon M. Cliche il faudra recruter ces travailleurs hors du secteur de la construction. Les entreprises devront donc entrer en compétition avec le secteur industriel et c'est là que le nord pourrait avoir un avantage sérieux, avec ses salaires supérieurs.

La Commission de la construction du Québec (CCQ) prend, elle aussi, l'impact du développement du nord sur l'emploi très au sérieux. La CCQ est chargée d'appliquer la loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d'oeuvre dans le monde de la construction.

Elle estime que l'emploi dans l'industrie de la construction passerait dans les régions du Nord de 23 000 en 2011 à 33 000 en 2015. On parle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord, de l'Abitibi-Témiscamingue et de la Baie-James.

En 2011, déjà, 30 % des travailleurs de ces chantiers provenaient d'ailleurs. « Dans les prochaines années cette proportion pourrait grimper à 50 % de travailleurs provenant du sud», reconnaît Louis Delagrave, économiste et directeur de la recherche économique à la CCQ.

On embauche!

L'analyse de la CCQ pointe des types d'emplois de la construction pour lesquels le développement du nord exercera une pression énorme. Six corps de métiers seront principalement courtisés. « La demande pour ces travailleurs pratiquant ces métiers augmentera d'au moins 60 % entre 2012 et 2015 dans les quatre régions du nord», estime M. Delagrave.

Au premier chef, les chaudronniers. Ce sont les employés chargés d'installer et d'entretenir les immenses chaudières industrielles qu'on trouve dans les usines de transformation du minerai. La croissance de la demande pour ce métier sera d'environ 90 %.

Les besoins en monteurs de structures d'acier augmenteront de 75 %. Ceux pour les serruriers de bâtiments s'accroîteront de 72 %. En passant, ces serruriers ne posent ni serrures ni boutons de portes. Ils assemblent les escaliers métalliques et les passerelles mécaniques qu'on trouve dans l'industrie lourde.

C'est 72 % aussi pour les ferrailleurs. Les ferrailleurs placent les tiges métalliques dans le béton armé. Le besoin de soudeurs augmentera de 65 %. La demande pour des grutiers montera de 62 %. La croissance moyenne pour l'ensemble des métiers et occupations de la construction au nord sera de 45 %.

Que faire?

« On étudie la question, répond Louis Delagrave. La première réponse c'est de renforcer la formation professionnelle (le diplôme d'études professionnelles, DEP) dans les quatre régions du nord mentionnées plus haut. On visera prioritairement les six métiers où la pression devrait être la plus forte.

« Ensuite, la main-d'oeuvre autochtone pourrait être davantage mise à contribution. Elle constitue aujourd'hui une faible minorité du contingent de travailleurs de la construction au Nord, soit 603 travailleurs, à peine 3 % du total. La formation devra être adaptée aux bases scolaires possédées par les travailleurs autochtones. »

Au final M. Delagrave dit que la CCQ est consciente de l'importance de la question. Mais il ne prévoit pas de vide grave au sud dans les prochaines années.