Hydro-Québec a rédigé son 10e rapport sur le développement durable. Le bilan est positif, mais certains objectifs deviennent de plus en plus difficiles à atteindre.

Le développement durable est un concept large: 11 volets sont couverts dans le 10e rapport d'Hydro-Québec. Certains d'entre eux vont de soi, mais d'autres semblent plus périphériques, comme la responsabilité du service d'électricité ou l'acceptabilité et les retombées des projets.

C'est pourtant là que se trouve peut-être le plus grand défi d'Hydro-Québec en ce qui concerne le développement durable, explique Stella Leney, directrice principale, Environnement et affaires corporatives, chez Hydro-Québec. «Les grands ouvrages hydroélectriques sont une de nos réalisations les plus importantes, et le défi est de maintenir de bonnes relations avec les communautés locales et les communautés autochtones.»

Mais deux thèmes attirent particulièrement l'attention.

En 2003, le Plan global en efficacité énergétique avait fixé pour 2015 un objectif d'économies totalisant 11 TWh. Après huit ans, les économies annuelles totalisent 6,2 TWh. À moins de quatre ans de l'échéance, il reste encore 46% de l'objectif à concrétiser.

Sur cette cible de 11 TWh, 8 TWh sont attribués aux économies provenant de la clientèle. À la fin de 2011, elles atteignaient 5,7 TWh. «On a bon espoir d'atteindre nos objectifs», indique le porte-parole d'Hydro-Québec, Louis-Olivier Batty.

Ce ne sera pourtant pas facile, puisque les mesures d'efficacité les plus rentables ont déjà été lancées. «La récupération de vieux frigos est très populaire, observe Stella Leney. L'utilisation de thermostats électroniques est également très profitable.»

Les prochaines réductions seront plus difficiles à réaliser.

«Nous comptons sur un nouveau projet, Comparez-vous, qui permet de comparer sa consommation avec celle d'autres résidences du même type, ajoute-t-elle. Cette sensibilisation est profitable.»

Mais elle le serait encore davantage si le tarif de l'électricité québécoise était plus élevé. Deux volets du développement durable entrent ici en opposition. «Le fait qu'on a de très bas tarifs est un handicap majeur pour l'efficacité énergétique», soutient Jean-Thomas Bernard, spécialiste de l'énergie et professeur à l'Université d'Ottawa.

Une ampoule fluocompacte permet d'économiser le même nombre de kilowattheures au Québec qu'en Ontario, explique-t-il, mais cette économie, une fois traduite en dollars, est presque deux fois plus élevée dans une maison ontarienne. «Les incitations au Québec ne sont pas très fortes», conclut-il.

De trop grands projets?

L'autre thème majeur concerne les changements climatiques. «Ce qui reflète le mieux notre engagement, ce sont les réalisations de grands projets hydroélectriques, affirme Stella Leney. Ce sont des exemples concrets de développement durable.» C'est grâce à l'hydroélectricité que chaque Québécois émet 36% moins de gaz à effet de serre qu'un citoyen du reste du Canada (10,4 tonnes contre 16,3 tonnes en 2009).

Elle rappelle que les émissions de gaz à effet de serre par kilowatt produit par un barrage en région nordique pendant sa durée de vie (une centaine d'années) ne sont pas supérieures - et peuvent même être inférieures - à celles des éoliennes.

Hydro-Québec estime qu'en vendant son électricité excédentaire sur les marchés extérieurs, elle a ainsi évité en 2011 l'émission de 12 millions de tonnes de CO2 par des centrales thermiques.

«Il est certain que la nouvelle énergie qui se développe au Québec est renouvelable, affirme Jean-Thomas Bernard. La question qu'il faut se poser: est-ce qu'il y a un marché pour cette nouvelle électricité au coût que l'on supporte?»

Il rappelle que «l'électricité renouvelable qu'on développe actuellement au Québec coûte près de 10 cents le kWh».

Dans les sites les plus éloignés, qui seraient mis en place dans le cadre du Plan Nord, il estime que le coût du kWh pourrait atteindre près de 15 cents. «Il va venir un moment où on ne sera pas capables de faire face à la compétition.»

Le controversé gaz de schiste a bouleversé la donne aux États-Unis: il fournit le quart du gaz naturel américain et a contribué à diviser les prix par cinq.

«On peut construire une centrale au gaz pour 5 à 6 cents par kWh», lance Jean-Thomas Bernard. «Il n'y pas de marché pour l'électricité renouvelable que l'on produit!»

Il n'entrevoit que deux possibilités: une vente à perte avec une diminution conséquente des dividendes versés au gouvernement ou une hausse des tarifs. «Produire de l'énergie renouvelable non rentable, ça veut dire qu'on va en voir l'impact soit comme consommateur d'électricité, soit comme contribuable.»

Dur, le durable.