L'extraction de ressources naturelles nécessitera des approvisionnements importants en électricité. Les entreprises devront s'assurer de pouvoir compter sur cette énergie avant de lancer leurs investissements. Comment seront-elles desservies, et à quel prix? Réponse en quatre points.

Q - La production électrique sera-t-elle locale?

R - Le plan d'action du Plan Nord prévoit le développement de 3500 mégawatts de capacité de production dans le Nord-du-Québec. Hydro-Québec étudiera la possibilité de lancer de nouveaux lieux de production «en fonction des demandes des clients», précise Gary Sutherland, porte-parole médias de la société d'État.

«Les projets d'investissement en production énergétique ne vont pas se faire», croit Pierre-Olivier Pineau, professeur spécialiste des questions énergétiques à HEC Montréal. «Aucune entreprise n'accepterait de se faire fournir de l'électricité au coût d'investissement de la production énergétique dans le Nord

En effet, le prix de revient de cette électricité produite dans le Nord serait au mieux de 7 millions de dollars par mégawatt, selon les calculs de cet expert. «C'est plus cher que le barrage sur la Romaine», souligne M. Pineau. L'installation hydroélectrique en cours de construction sur la Côte-Nord se fait à 5 millions de dollars le mégawatt, précise-t-il.

La société d'État n'a donc aucunement intérêt à investir pour vendre à perte, souligne M. Pineau.

Q - Qui paiera l'expansion du réseau de distribution?

R - Le réseau existant de distribution électrique devra être étendu pour rejoindre les sites miniers. Certaines entreprises devront mettre la main à la poche pour payer ce prolongement.

Leur participation financière dépendra de deux facteurs: l'éloignement et la consommation, explique Nochane Rousseau, responsable des services aux sociétés minières et initiative Plan Nord chez PricewaterhouseCoopers.

Les entreprises débourseront davantage quand leur lieu de production sera éloigné du réseau d'Hydro-Québec et, curieusement, quand il sera un faible consommateur d'électricité. En effet, quand elle construit une ligne, Hydro-Québec reçoit une allocation de la Régie de l'Énergie dont la valeur augmente avec le nombre de mégawatts distribués.

Inversement, les endroits placés à proximité du réseau de distribution, et qui consomment une grande quantité d'électricité, n'auront que peu d'argent à investir, «voire rien du tout», précise M. Rousseau.

Q - Quel sera le délai pour raccorder les mines?

R - «Les minières mettent trop de temps avant de communiquer avec Hydro-Québec, observe Nochane Rousseau. Elles sont souvent déçues quand elles se rendent compte des délais.» La demande de raccordement en électricité suit un long processus. Hydro-Québec doit faire ses propres analyses, puis soumettre le projet au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), réaliser des études environnementales, conduire des consultations avec les autochtones, énumère M. Rousseau. Il faut compter un minimum de deux années avant la réalisation d'un raccordement, explique Nochane Rousseau. Ce délai peut atteindre près de six années pour les demandes les plus complexes.

«Les minières auraient avantage à faire appel à Hydro-Québec le plus tôt possible. Cela devrait être une de leurs plus grandes priorités», suggère Nochane Rousseau.

Q - À quel prix sera vendue l'électricité?

R - Les entreprises minières auront accès au tarif L, soit 4 cents le kilowatt-heure. C'est le prix le plus bas auquel elles peuvent prétendre.

«Mais Hydro-Québec n'a aucun intérêt à vendre à ce tarif, affirme Pierre-Olivier Pineau. Quand Hydro-Québec signe aujourd'hui de nouveaux projets à 4 cents, c'est une subvention indirecte à l'exploitation de ressources naturelles non renouvelables.»

Les projets exploités actuellement par l'entreprise publique présentent des coûts de revient supérieurs à ce tarif. «On finance le développement du Plan Nord à travers des infrastructures déjà construites, mais qui font en sorte que cela nous coupe la possibilité de revendre cette énergie à nos voisins pour un meilleur prix», regrette M. Pineau. Hydro-Québec exporte actuellement son électricité au prix de 4 à 5 cents le kilowatt-heure, observe M. Pineau, mais elle pourrait «faire plus de profits dans les années à venir quand les prix vont augmenter.»

Photo O. Pontbriand, La Presse

Nochane Rousseau, responsable des services aux sociétés minières et initiative Plan Nord chez PricewaterhouseCoopers.