Autrefois une obligation parmi d'autres, la santé-sécurité au travail (SST) est aujourd'hui incontournable pour les firmes d'ingénierie. Elles l'ont intégrée dans leur culture d'entreprise jusqu'au plus haut niveau et doivent maintenant «montrer patte blanche» pour répondre aux appels d'offres.

«La SST? Ce n'est plus un souhait, mais une exigence. Et on doit apporter des preuves pour soumissionner» explique François Poirier, gestionnaire d'offres sénior chez Dessau. Depuis 2007, l'entreprise a mis en place une démarche proactive d'identification des risques et d'amélioration, conforme à la norme britannique OHSAS 18 001. «On a appliqué les mêmes outils que pour l'assurance qualité» ajoute-t-il.

Chez SNC-Lavallin, Mélody Kratsios, vice-présidente responsable de la santé-sécurité, de l'environnement et de la qualité, a remarqué une demande accrue de ses clients depuis cinq ans. Incontournable dans les offres, la SST est intégrée dans les valeurs de l'entreprise.

«Aujourd'hui, c'est devenu une partie importante de l'offre, on doit apporter la preuve que nous sommes dans une démarche d'amélioration, et au plus haut niveau!», précise François Poirier. Les clients ne veulent en effet pas être associés à une éventuelle mauvaise fiche de leur partenaire d'affaires. Sophie Pépin, directrice de projet du secteur industriel chez Roche, va plus loin: «C'est tolérance zéro! Et ce n'est que l'étape de préqualification.»

SNC-Lavallin a intégré la SST dans toutes les activités de l'entreprise. Plus de 40 indicateurs sont suivis, 16 000 sessions de formation et 18 000 inspections sont réalisées chaque année. Le label OHSAS 18 001 lui a été décerné. L'entreprise a développé des outils comme la carte «prendre du recul», qui permet d'identifier les risques par des pictogrammes, quelle que soit la langue parlée sur le chantier.

Il y a deux ans, Roche a développé une stratégie basée sur l'appréciation des risques, à la suite d'une réflexion appuyée sur les besoins de ses clients et la nécessité de protéger ses propres salariés. La démarche est aujourd'hui intégrée à la culture de l'entreprise, bien perçue par le personnel et suivie au plus haut niveau de la direction. Comme pour l'assurance qualité, les rapports annuels et audits arrivent directement sur le bureau du président. Dessau profite également de la veille de ses clients qui lui adresse tous les rapports d'incidents, afin qu'ils soient analysés et viennent enrichir la base de données de risques.

Prudence égale contrats

Fini le temps où perdre un doigt dans une machine était un acte quasi héroïque! «Aujourd'hui, la sécurité au travail est un droit, et la prise de conscience est totale», explique Claudine Tremblay, conseillère en SST chez Dessau. Chaque salarié reçoit son livret sécurité, la formation est dispensée régulièrement et l'encadrement organise les pauses sécurité. Le rôle des ingénieurs est essentiel: ils connaissent l'environnement et les salariés, savent analyser les risques et sécuriser les machines. «Ils sont les premiers responsables de la sécurité», ajoute Jacques Nadeau, porte-parole de la CSST.

Les mentalités changent, les comportements aussi. Le retour sur investissement dépasse largement les sommes investies. C'est même devenu un avantage concurrentiel, car à prestations égales, la meilleure fiche SST remportera le marché.

La CSST confirme cette tendance observée depuis 10 ans: malgré une augmentation du nombre de salariés de 400 000, le nombre d'accidents du travail a chuté de 37%. Le tarif des amendes pour infraction, qui a triplé en trois ans, est également très dissuasif. «On réalise sur le terrain une plus grande préoccupation, les initiatives sont meilleures» se félicite Jacques Nadeau.

«Santé-sécurité, environnement et qualité, c'est assurément le trio gagnant!», s'exclame Sophie Pépin, tandis que François Poirier parle d'un «trio trois saveurs». Ces trois «saveurs» répondent à une démarche annuelle d'amélioration identique, aboutissent à la même revue de direction, et font maintenant l'objet d'un même audit interne.