La médecine déborde de ses frontières traditionnelles. Le génie y prend aujourd'hui toute sa place pour inventer des outils de traitement ou de diagnostic, mais aussi pour gérer l'explosion technologique des hôpitaux. La demande grandissante d'un marché effervescent et la nouvelle organisation des CSSS poussent les établissements d'enseignement à s'adapter.

C'est en constatant l'évolution du secteur biomédical que Pierre Savard a décidé de mettre au point un programme de baccalauréat en génie biomédical à l'École polytechnique en 2008, dont il est toujours responsable. «Avant, les prothèses étaient purement mécaniques, l'imagerie se faisait par ultrason. Maintenant, on s'oriente vers un mélange des aspects biologiques et physiques. On a besoin d'une formation à la fois en biologie et dans les sciences du génie pour répondre à ça», explique-t-il.

Les activités de recherche étant très importantes à Polytechnique dans le domaine du génie biomédical, il était également devenu nécessaire de mieux préparer les étudiants. Depuis une dizaine d'années, l'établissement a reçu 75 millions en subventions de la Fondation canadienne pour l'innovation.

Ce sont également les aspects sociaux-économiques propres au Québec qui ont poussé Pierre Savard à créer ce programme. «Nous allons devoir remplacer les premiers diplômés des années 70, et il y a de grands projets à gérer dans le secteur public comme Grandir en santé, de l'hôpital Sainte-Justine, ou le CHUM», explique-t-il.

Alain Vinet, responsable du programme génie clinique de l'Université de Montréal, confirme ce besoin constaté dans les hôpitaux, et amplifié par le regroupement des activités de santé au sein des centres de santé et services sociaux (CSSS). «Des service biomédicaux se créent maintenant dans les CSSS et on a besoin de diplômés en génie clinique», précise-t-il. Le programme de génie clinique, une des spécialités du génie biomédical, forme huit ou neuf étudiants chaque année à l'Université de Montréal.

L'explosion technologique dans les hôpitaux nécessite des ingénieurs dont l'expertise s'étend du choix de l'équipement jusqu'à son implantation et son plan d'entretien. «Avant même de rédiger l'offre, on doit aller chercher le consensus avec les infirmières, les médecins et l'administration», ajoute Alain Vinet. Les étudiants reçoivent une formation multidisciplinaire afin de faciliter leur compréhension des problèmes du corps médical. Alain Vinet estime que l'extension des services biomédicaux dans les CSSS, qui gère maintenant des parcs hospitaliers, devrait augmenter le nombre d'étudiants dans les années à venir.

L'explosion de la demande est encore plus criante dans le secteur privé. Depuis les années 90, une centaine de petites entreprises en technologie de la santé se sont créées au Québec. Avec une croissance annuelle de 14%, elles devancent même le secteur pharmaceutique. En effet, la mise au point d'outils de diagnostic ou de traitement est plus rapide que le test d'une molécule. «C'est un secteur en pleine effervescence!», lance Pierre Savard. Jusqu'alors, les entreprises employaient des diplômés en génie électrique, mécanique ou informatique. «Aujourd'hui, nos étudiants sont capables de prendre en charge tous ces aspects», se réjouit Pierre Savard, impatient de «lancer» ses premiers finissants sur le marché du travail en juin.