Le Québec innove-t-il suffisamment? Pas assez au goût de Denis Proulx, professeur en génie mécanique à l'Université de Sherbrooke.

M. Proulx est une sommité dans le secteur de la production industrielle. C'est lui qui a importé au Québec dans les années 90 le concept d'ingénierie simultanée, une méthode de production particulièrement prisée par les Japonais.

L'ingénierie simultanée est une approche systématique et multidisciplinaire qui intègre les différentes phases de développement d'un produit et la gestion de son processus, dont l'identification des besoins du client, la conception du produit, les procédés de fabrication qui s'y rattachent, mais aussi la distribution, le recyclage ou la mise au rebut du produit.

Bref, il s'agit d'une approche où plus personne ne travaille en vase clos.

Capitulation trop rapide

Cofondateur de l'Institut de développement de produits (IDP), dont la mission est d'accélérer l'adoption par les entreprises de meilleures pratiques en développement de produits et en éco-conception, Denis Proulx est pessimiste face à l'avenir.

«Quand on regarde l'évolution de notre secteur manufacturier, on ne peut que constater qu'il est en perte de vitesse. Si on n'est pas capable d'avoir une activité industrielle forte, on va tourner en rond. On a capitulé, les Américains en premier, trop rapidement en acceptant que la production de nos biens se fasse en Asie», dit-il.

Étonnement, selon des chiffres de l'Organisation de développement et de coopération économique (OCDE), le Québec est le champion canadien pour ce qui est des investissements en recherche et développement.

La Belle Province y consacre 1,5% de son PIB. Concrètement, les entreprises du Québec ont dépensé 4,6 milliards$ en R&D industriels en 2010, soit 29% de l'ensemble des investissements au Canada.

C'est bien, estime Denis Proulx. Mais cela pourrait être encore mieux, croit-il.

Retour du balancier

«Ce n'est pas vrai que tout peut être produit sur le continent asiatique. On assiste peut-être à un retour du balancier. Les Américains rapatrient une partie de leurs entreprises chez eux. Ils ne retrouveront peut-être jamais leur erre d'aller d'autrefois, mais on sent qu'il se passe quelque chose», dit l'homme de 71 ans.

Denis Proulx reconnaît néanmoins qu'innover n'est pas la chose la plus facile pour une entreprise de petite taille. Or, comme le Québec compte majoritairement (près de 90%!) de PME de moins de 50 employés, la tâche est herculéenne.

«Ce n'est pas facile pour une PME d'être à l'avant-garde quand des entreprises de partout dans le monde lui font concurrence. Mais en même temps, j'ai remarqué que lorsque les temps sont un peu plus difficiles, les bonnes habitudes prennent le bord. On lâche trop rapidement les projets qui peuvent faire une différence. C'est comme avancer d'un pas, puis reculer de deux pas», fait-il remarquer.

Profil

Denis Proulx a été professeur au département de génie mécanique de l'Université de Sherbrooke (UdeS) de 1969 à 2009. En semi-retraite, il continue à enseigner à titre de chargé de cours à la maîtrise.

Réalisations

Il a introduit au Québec le concept d'ingénierie simultanée, puis réformé le programme de génie mécanique de l'UdeS afin d'y inclure cette approche prisée notamment par les Japonais. Il est aussi cofondateur de l'Institut de développement des produits (IDP).

Distinctions

En 2003-2004, il a reçu le Prix d'excellence en enseignement, décerné par le Réseau canadien de la conception en ingénierie (RCCI).