Lors de la Conférence de Québec en octobre dernier, les grands bonzes du capital-risque américain ont fait souffler un vent d'optimisme sur leur industrie, affirmant que les beaux jours pourraient bien être de retour après une décennie de rendements négatifs.

Leur enthousiasme est-il justifié? Et si oui, s'applique-t-il au Québec?

La Presse en a discuté avec Gilles Duruflé, un consultant indépendant qui connaît l'industrie du capital-risque comme personne au Québec.

Q Les gestionnaires des grands fonds américains présents à la Conférence de Québec se montrent optimistes envers leur industrie. Ont-ils raison de l'être?

R L'argument de l'aspect cyclique du capital-risque est très justifié. C'est quand tu investis dans les creux de cycle que tu as les meilleurs rendements.

L'art de l'investissement, c'est d'acheter en bas et de vendre en haut. Malheureusement, plusieurs font le contraire. Dire que c'est le bon moment d'investir dans le capital-risque, ça me semble quelque chose de logique.

Q Certains investisseurs soutiennent que l'innovation n'a jamais été aussi présente, tant en qualité qu'en quantité. Est-ce aussi ce que vous observez?

R Ce qui est clair, c'est que les sommes investies en R-D ne cessent de s'accroître. D'abord parce que les pays ont tendance à augmenter le pourcentage de leur PIB qu'ils consacrent à la recherche. Ensuite parce que bien des pays qui n'étaient pas là du tout par le passé, comme la Chine, l'Inde et d'autres, s'y mettent. Il est clair que la population d'ingénieurs et de chercheurs sur la planète croît, et croît très rapidement.

Q Depuis 10 ans, l'industrie du capital-risque présente en moyenne un rendement négatif. N'est-ce pas inquiétant?

R Le rendement est négatif ou plat, mais il reste supérieur au rendement du NASDAQ! Ce qu'il faut aussi savoir, c'est qu'il y a une énorme dispersion des rendements. Tout le rendement est fait par les 10% des fonds les plus performants, alors que les autres perdent de l'argent. Alors le défi, c'est de trouver ces fonds performants et d'y investir.

Q Plusieurs caisses de retraite se retirent du capital-risque. Pourquoi?

R Plusieurs grandes caisses de retraite se rendent compte que le capital-risque, c'est compliqué. Il faut sélectionner les bons fonds qui font du rendement, ça demande des équipes spécialisées. Ça requiert beaucoup de travail pour une classe d'actifs qui est, finalement, assez petite. Les grandes caisses se disent: tout ce travail pour des sommes de 20 millions, alors que je gère 200 milliards?

Q Comment le Québec se tire-t-il d'affaire dans cette industrie?

R Le paysage s'est quand même beaucoup amélioré. Avant, au Québec, on avait des fonds très généralistes gérés par des financiers qui ne connaissaient pas nécessairement bien la technologie. Maintenant, on voit des fonds beaucoup plus spécialisés avec des gens beaucoup plus compétents. On commence d'ailleurs à voir de bons résultats regardez seulement Brightspark, qui a créé un beau succès avec l'entreprise Radian6. Quand je regarde le dynamisme autour de fonds comme Real Ventures, iNovia ou Rho Canada, par exemple, je trouve ça intéressant.