Leurs rendements sont négatifs depuis 10 ans. Des investisseurs échaudés leur claquent la porte au nez. Le contexte économique mondial incertain leur semble défavorable.

On pourrait croire que l'industrie du capital de risque a le profil bas par les temps qui courent. Or, les financiers qui misent sur des boîtes en démarrage dans l'espoir de les transformer en Google et autres Twitter ont encore la foi. Et certains plus que jamais.

«Notre industrie se trouve à un point d'inflexion sans précédent», admet Peter Barris, associé principal du fonds de capital-risque américain New Entreprise Associates. «Mais je crois que le moment n'a jamais été aussi bon pour investir dans le capital-risque.»

Ces mots, prononcés lors de la Quebec City Conference en octobre, ne viennent pas de n'importe qui. Avec 35 ans d'expérience dans l'industrie, M. Barris dirige une firme légendaire qui a permis l'éclosion de plusieurs centaines d'entreprises à succès. Son plus récent coup de génie : financer Groupon, ce site de commerce en ligne qui est rapidement devenu une étoile montante du Web.

«On dit que notre modèle est brisé, que les beaux jours sont derrière nous. L'industrie du capital-risque fait actuellement office de véritable punching bag», constate le vieux routier de l'industrie.

Or, selon lui, c'est justement quand tout le monde se détourne d'un secteur d'activité qu'il faut y sauter à pieds joints.

Inventions prometteuses

Pourquoi? D'abord, dit-il, parce que les entrepreneurs accouchent d'inventions prometteuses à un rythme jamais vu auparavant.

«En 35 ans, je n'ai jamais vu autant d'innovation, tant en quantité qu'en qualité», dit-il. Pour ceux qui cherchent à faire fructifier leurs dollars en pariant sur la techno, c'est peut-être ce qui compte le plus.

M. Barris sait qu'il ne convaincra pas tout le monde. Bien des investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite ne veulent plus rien savoir du capital de risque. L'argent qu'ils y ont misé dans le passé a engendré plus de pertes que de gains, et ils ne veulent plus jouer à ce jeu risqué.

Pour M. Barris, cela pourrait au bout du compte s'avérer positif. S'il y a moins d'argent dans le système, moins de fonds se battront pour financer les mêmes entreprises, ce qui limitera les enchères. Les rendements pourraient s'en trouver bonifiés.

Mais il y a plus. Selon lui, les perspectives pour le moins incertaines de l'économie mondiale vont pousser les investisseurs à faire des pieds et des mains pour dénicher des secteurs capables de générer de la croissance. Dans ce contexte, l'industrie technologique pourrait faire office de bouée de sauvetage.

Croissance Anémique

C'est aussi la thèse qu'a défendue à Québec Glenn Hutchins, cofondateur de Silver Lake - une autre firme légendaire du capital de risque qui possède des bureaux autant dans la Silicon Valley qu'à New York, Londres, Hong Kong et Tokyo.

M. Hutchins ne prévoit ni rebond spectaculaire ni descente aux enfers de l'économie américaine. Selon lui, c'est plutôt à une longue période de croissance anémique qu'il faut s'attendre.

Déprimant pour ceux qui veulent faire du rendement? Pas nécessairement. «Une croissance, c'est une moyenne, rappelle-t-il. Dans tous les marchés, vous pouvez faire de l'argent si vous comprenez ce qui se passe.»

Des exemples? Il y a maintenant 457 millions d'internautes en Chine... mais le taux de pénétration du marché est inférieur à 33 %. M. Hutchins voit là une possibilité de croissance.

L'efficacité énergétique, la mémoire flash utilisée dans les téléphones intelligents et d'autres appareils mobiles, la rencontre des réseaux sociaux et de la recherche sur Internet font partie des autres secteurs où il faut miser, selon lui.

«L'industrie du capital-risque n'est pas liée à un indice. Elle ne parie pas sur la croissance du PIB mondial. Il pourrait s'agir de l'une des seules façons d'échapper à la faible croissance économique des pays développés», a renchéri Jonathan Nelson, une autre rock star de l'industrie à la tête du fonds Providence Equity Partners.