Paralumes vacillants, ponts fatigués et viaducs qui n'en peuvent plus... Qui donc veillait aux intérêts du contribuable pendant les travaux et qui donc inspectait nos ouvrages dans les années qui ont suivi leur construction?

La surveillance des travaux publics, sur le chantier, incombe ordinairement à une firme d'ingénierie. «C'est au maître d'ouvrage, ou client, de désigner le surveillant des travaux», explique Jean Leroux, ingénieur et président de Leroux, Beaudoin, Hurens. «La plupart du temps, il choisit la firme même qui a conçu les plans et devis. Et c'est souvent l'ingénieur qui a conçu ces plans qui est aussi le surveillant.»

L'autosurveillance

N'y a-t-il pas dans cette autosurveillance une invitation au laxisme? «Je crois fermement, et je ne suis pas le seul ingénieur à penser ainsi, que surveiller l'exécution de plans qu'on n'a pas faits soi-même est un plus grand risque pour le public que de surveiller l'exécution de ses propres conceptions, explique M. Leroux.

«C'est souvent si complexe qu'un ingénieur ou un technologue qui ne connaîtrait pas les intentions du concepteur risquerait fort de mal interpréter les plans et de bousiller l'exécution sur le chantier. D'ailleurs, jamais, au grand jamais, nous n'acceptons un contrat de surveillance des travaux des autres, sans aucune part à la conception.»

Maud Cohen, présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec, abonde dans ce sens. «C'est au médecin qui a prescrit la chirurgie à l'exécuter, précise-t-elle. C'est au concepteur à établir les directives extrêmement détaillées de surveillance des travaux en cours. Il est le mieux placé pour le faire et il a tout intérêt à le faire minutieusement. Il n'a aucun intérêt à ce que le viaduc tombe, au contraire.»

Le Code civil du Québec, à l'article 2118, stipule d'ailleurs que la responsabilité de l'ingénieur reste entière jusqu'à cinq ans après la fin des travaux.

Pour M. Leroux, accepter de surveiller le chantier du bâtiment ou de l'ouvrage qu'on a conçu responsabilise davantage l'ingénieur concepteur. «La loi stipule que la responsabilité du concepteur s'amenuise dès que le surveillant entre en scène. On comprend que quand le concepteur devient surveillant, sa responsabilité le suit, entière.»

Les inspecteurs de travaux publics, ingénieurs et technologues, retournent sur les lieux du chantier quelques années plus tard et soumettent le patient à une inspection visuelle tout en procédant à des échantillonnages analysés en laboratoire.

«C'est généralement un technologue qui va sur le terrain, explique M. Bernier, et un ingénieur qui analyse le tout. L'ingénieur est nommé par le propriétaire de l'ouvrage d'art, ministère ou municipalité.»

La situation à Montréal

À Montréal, rues, trottoirs et conduites d'eau sont gérés et surveillés par les employés de la Ville, à 90%, assure André Lazure, conseiller en planification à la direction des travaux publics.

«Nos techniciens sont en permanence sur le terrain pendant l'exécution des travaux et inspectent aussi périodiquement les ouvrages de voirie et de canalisation», explique-t-il.

Contrairement à ce qui s'est passé au ministère des Transports du Québec où l'on a sabré allègrement la brigade des ingénieurs chargés de surveiller les ouvrages d'art, Montréal a depuis quelques années grossi son équipe d'ingénieurs et de technologues et continue de le faire. «Nous voulons que tout le travail de surveillance et d'inspection se fasse à l'interne», résume M. Lazure.