Dans l'actuel climat économique rempli d'incertitudes, il se trouve par bonheur un élément dont nous sommes quasiment sûrs: les taux d'intérêt hypothécaires vont rester à leur creux historique pendant plusieurs mois, sans doute même durant presque tout l'an prochain.

Les taux hypothécaires de courte échéance évoluent en fonction du taux cible de la Banque du Canada. Depuis un an, il est fixé à 1%. Tous les observateurs s'entendent sur le fait qu'il ne bougera pas de sitôt. «En raison du ralentissement de l'activité économique mondiale et de l'incertitude accrue sur la scène financière, la nécessité de réduire la détente monétaire a diminué», indiquait l'institution gouvernée par Mark Carney lorsqu'elle a fixé son taux directeur la dernière fois, le 7 septembre.

En termes clairs, cela signifie que la Banque est moins pressée de normaliser son taux, malgré les velléités inflationnistes observées au cours des derniers mois.

À cela s'ajoute le fait que son grand voisin, la Réserve fédérale américaine (Fed), s'est pour sa part engagé à garder près de zéro son taux directeur au moins jusqu'au beau milieu de 2013.

Accroître l'écart de taux entre les deux pays stimulerait le dollar canadien, au grand dam des manufacturiers exportateurs. La Banque va donc avancer à bien petits pas, lorsqu'elle se sera décidée à bouger.

Cela a de quoi rassurer ceux qui préfèrent opter pour une hypothèque à taux variable.

Pour les esprits inquiets ou les budgets serrés qui tiennent à un taux fixe pendant une longue période, les perspectives sont tout aussi encourageantes.

Les taux hypothécaires à long terme évoluent en relation avec le marché obligataire.

Ces jours-ci, une obligation du gouvernement du Canada venant à échéance dans cinq ans offre un rendement d'à peine 1,40%. Ce taux devrait persister jusqu'au milieu de 2012. Après quoi, il se dirigera lentement vers les 2%.

Opération Twist

Pour trouver l'explication, il faut encore se rappeler de la décision de la Fed de lancer l'opération Twist, le 20 septembre. En troquant des obligations américaines de courte échéance contre des titres de plus de 10 ans à hauteur de 400 milliards, la Fed vise à abaisser les taux obligataires américains de longue échéance. Elle exerce aussi des pressions à la baisse sur des titres de moyenne échéance comme les cinq ans des deux côtés de la frontière.

L'opération Twist prendra fin en juin prochain. Après quoi, les taux de moyenne et longue échéance devraient se redresser quelque peu. Les taux canadiens vont sans doute aussi épouser ce mouvement sans le calquer pour autant.

On peut légitimement s'attendre à ce que les taux hypothécaires canadiens de cinq ans restent stables pendant la durée de l'opération Twist, à moins d'un gel du crédit provoqué par des facteurs externes, comme en 2008 au lendemain de la faillite de Lehman Brothers.

Même si la crise de la dette souveraine européenne angoisse les prêteurs, les banques canadiennes parviennent encore à emprunter à des taux enviables.

En septembre, l'écart de rendement entre une obligation du Canada de cinq ans et un titre bancaire de même échéance était de 135 à 168 centièmes pour une obligation garantie sur des dépôts et de 200 à 255 centièmes pour de la dette subordonnée, selon les données compilées par Jean-François Godin responsable de la recherche chez Valeurs mobilières Desjardins.

Une banque canadienne a donc pu emprunter pendant cinq ans à un taux inférieur à 4%, ce qui lui permet à son tour de prêter à des acheteurs de maisons à des taux historiquement faibles. Elles affichent d'ailleurs ces jours-ci un taux de 5,19% pour le terme de cinq ans.

Le temps d'acheter?

Est-ce pour autant le temps d'acheter une maison?

Le Québec ne subit pas de surchauffe immobilière comme c'est le cas à Vancouver et à Toronto. Les prix sont élevés, mais n'ont pas ballonné. Une correction paraît moins probable.

En revanche, les perspectives économiques du Québec sont moins bonnes que celles de l'ensemble du Canada. Depuis le début de l'année, la société distincte crée peu d'emplois.

Au deuxième trimestre, sa décroissance a été deux fois plus grande que celle observée en moyenne d'un océan à l'autre.

On souligne aussi que les ménages canadiens n'ont jamais été aussi endettés. À 148% du revenu personnel disponible, le taux d'endettement dépasse maintenant celui des Américains.

Y a-t-il péril en la demeure?

Sans doute pas, parce que ce ratio ne tient compte ni de la valeur de l'actif des ménages (plus élevé qu'aux États-Unis), ni du fait que le revenu disponible n'est pas le même des deux côtés de la frontière à cause de la fiscalité plus lourde de ce côté-ci. En revanche, elle couvre les frais de santé qui représentent 20% des dépenses des ménages américains. «En tenant compte de cet élément, on constate que le ratio d'endettement des ménages américains est supérieur à celui des Canadiens de 12%», calcule Mathieu Arseneau de la Banque Nationale.

Bref, si c'est une bonne période pour financer l'achat d'une maison, la prudence reste de mise.