Mener de front deux types de relève n'est pas le genre de défi qui effraie Hélène Doucet. Lorsque son conjoint Steve Levasseur et elle ont quitté des emplois de cadres à Montréal dans les années 80 pour exploiter deux vergers dans les Cantons-de-l'Est, ils ont tout fait sauf chômer.

Ils ont créé une vinaigrerie à leur verger de Frelighsburg, où ils habitent dans une magnifique maison loyaliste, et ont fondé une cidrerie à leur autre verger, à Dunham. Malgré un horaire chargé, Mme Doucet a beaucoup fait pour sa nouvelle terre d'accueil. On lui doit la première carte touristique de Brome-Missisquoi. La mise sur pied de la route des vins, devenue la marque de commerce de la région, demeure cependant son coup magistral.

Bref, le tandem Doucet-Levasseur, aujourd'hui dans la soixantaine, semblait increvable. Il y a environ cinq ans, les entrepreneurs ont dû se rendre à l'évidence qu'ils n'étaient pas immortels. Et qu'ils devaient prévoir une relève ou, à tout le moins, préparer leur sortie. Ils ont choisi de vendre le domaine de Frelighsburg à leur fille Stéphanie, 40 ans. Ils ont récemment vendu le verger et la cidrerie de Dunham à deux couples de Montréal.

Relève agricole

Maintenant que le cas de Dunham est en partie réglé, les deux entrepreneurs en instance de retraite peuvent maintenant se concentrer sur la passation des biens et des pouvoirs au sein de leur entreprise familiale. Voyons où ils en sont dans ce processus qui, leur a-t-on dit, pourrait s'étendre sur près de deux ans.

Comme il s'agit d'une relève agricole, le couple d'entrepreneurs s'est tourné vers le Centre régional d'établissement en agriculture (CREA). Relevant de l'Union des producteurs agricoles (UPA), le CREA vise entre autres à accompagner et à conseiller les entreprises agricoles dans leur processus de transfert. Pour l'instant, rien n'a encore été signé entre les Doucet-Levasseur et leur fille.

En février, Stéphanie Levasseur a rencontré pour la première fois les gens du CREA. Cette première rencontre s'est avérée une sorte de «débroussaillage», pour reprendre l'expression de la jeune femme qui sera épaulée dans cette aventure par son conjoint, David Testu.

Accompagnée cette fois de ses parents, Stéphanie Levasseur s'entretiendra de nouveau avec le CREA en avril prochain. Le clan familial sait déjà qu'il sera question de diagnostic d'entreprise, de plan d'affaires, de contrat de vente et tutti quanti. D'ailleurs, un fiscaliste et un notaire entreront incessamment en scène au cours des prochaines rencontres.

«Pour la vente d'une ferme qui reste dans la famille, c'est différent des autres types d'entreprises. En agriculture, il y a moins de relève, car les enfants n'ont pas toujours la capacité de payer. Dans notre cas, notre propriété a plus de valeur que le reste de la ferme, ce qui était tout à fait l'inverse à Dunham, où tout était chiffrable», explique Hélène Doucet.

«Il va y avoir beaucoup de choses à considérer, a-t-elle ajouté. Est-ce qu'on demeure sur place ou est-ce qu'on déménage ? Tant qu'on est en santé, est-ce qu'on reste pour aider Stéphanie ? Comme nous avons une deuxième fille, Laurence, nous devons aborder toute la question de l'héritage. Nous avons planté des milliers de pins quand Laurence est née. Que ferons-nous avec cette plantation ?» s'interroge Mme Doucet.

En effet, Stéphanie Levasseur a une petite soeur de 20 ans sa benjamine. La jeune femme, actuellement aux études, jongle avec l'idée de se joindre éventuellement l'entreprise familiale. Mais sa décision ne semble pas encore définitive.