Le gouverneur de la Banque du Canada en parle publiquement, le ministre des Finances annonce des mesures et les médias soulèvent la chose quotidiennement: l'endettement des Canadiens atteint un niveau inquiétant. En effet, la situation est sérieuse. L'endettement des ménages canadiens atteint maintenant une fois et demie son revenu disponible. Un record, bien sûr.

La réaction serait de dire que chaque personne doit rembourser toutes ses dettes au plus vite. Mais est-ce vraiment la bonne façon de faire? Les experts consultés par La Presse Affaires n'en sont pas si sûrs. Ils suggèrent plutôt un bon équilibre entre l'épargne et l'endettement.

Vous pouvez sûrement faire mieux que de simplement rembourser vos dettes si vous avez la volonté de prendre en mains votre situation financière, estime Jean-Rémy Deschênes, responsable affaires Gestion de patrimoine chez Desjardins. La première étape sera d'établir un bon plan financie qui ne doit pas dissocier l'épargne et la gestion des dettes. «Pour s'enrichir il faut épargner et optimiser la gestion de son endettement», dit-il.

Il importe donc de dresser un portrait global de la situation afin de pouvoir évaluer les différents choix financiers qui s'offrent à vous.

Un plan financier doit s'appuyer sur «le gros bon sens «, explique M. Deschênes. Il est primordial de bien faire la différence entre besoin et désir. Cela guidera les décisions de consommation. Il faut aussi établir des attentes raisonnables, tant pour le rendement de ses placements que pour sa consommation.

Quelques réflexions

Voici quelques éléments de réflexion que nous suggèr e Jea n-Rémy Deschênes. D'abord, méfiez-vous de la surconsommation. «Il faut à tout prix éviter d'imiter ses voisins et confrères et limiter sa consommation à ses propres besoins», dit-il. En évitant la surconsommation, on évite souvent le surendettement.

Ensuite, il faut prendre l'habitude de l'épargne. Allez-y graduellement s'il le faut. L'épargne est aussi le début de la sécurité financière. M. Deschênes nous rappelle qu'Alphonse Desjardins lui-même disait il y a plus de 100 ans : «Le souci de l'épargne épargne bien des soucis.»

Il importe également de bien établir son profil d'investisseur. La gestion efficace des épargnes passe par l'établissement d'objectifs précis et la connaissance de votre tolérance au risque.

M. Deschênes suggère également de protéger ses arrières en souscrivant à de l'assurance vie et de l'assurance invalidité, surtout chez les jeunes.

Enfin, il suggère de profiter de l'occasion pour restructurer ses dettes afin d'en optimiser la gestion, ajoute Patricia Domingo, planificatrice financière à RBC Groupe financier. Plusieurs stratégies peuvent être utilisées, tel emprunter pour souscrire à son REER, et profiter du remboursement d'impôt pour régler le solde d'une carte de crédit. «On doit toujours avoir en tête de diminuer le taux d'intérêt qu'on paie et de rendre les paiements sur les emprunts déductibles d'impôt chaque fois que cela est possible «, dit-elle.

Emprunter pour investir

Faut-il tenter d'accumuler plus d'économies plus rapidement en utilisant un prêt à levier pour investir?

Le prêt à levier consiste à contracter un emprunt et à investir la somme reçue. Cette stratégie sera profitable lorsque le rendement réalisé après impôt sera plus élevé que le coût du financement.

L'opération semble souvent alléchante, étant donné que les intérêts payés sur un emprunt fait dans le but de gagner un revenu sont déductibles d'impôts.

Mais attention, car il s'agit d'une arme à deux tranchants. Les résultats seront amplifiés dans les deux sens, rappelle Jean-Rémy Deschênes, responsable affaires Gestion de patrimoine chez Desjardins.

Étant donné que les taux d'intérêt sont très bas, il faut aspirer à devenir un investisseur dynamique, explique Guylaine Dufresne, directrice de la planification financière à la Banque Laurentienne. Mais il faut bien comprendre qu'un investissement à levier est une stratégie à long terme, sept ans et plus. Cette stratégie implique le fait de posséder un portefeuille composé de titres de croissance, donc plus risqué. Parce que les marchés peuvent baisser, il faut pouvoir conserver le placement sur une longue période pour s'assurer d'optimiser l'opération. Mais surtout, il faut être en mesure d'accepter le risque lié à la composition du portefeuille.

Bien distinguer les types de dettes

Il existe deux types de dettes. Le premier inclut les prêts à la consommation et les soldes des cartes de crédit. Le second, les dettes qui ont servi à acquérir des biens, des propriétés et toute autre forme d'investissement.

Il faut d'abord rembourser les dettes à la consommation, en débutant par les soldes des cartes de crédit. Ces dettes, qui coûtent le plus cher, ne rapportent rien. Toutefois, il faut aussi se doter d'un fonds d'urgence, explique Guylaine Dufresne, directrice de la planification financière à la Banque Laurentienne. Ce fonds peut prendre deux formes: soit accumuler en épargne l'équivalent de trois mois de dépenses, soit obtenir une marge de crédit pour un somme équivalente que l'on utilisera au besoin.

Il faut savoir que lorsque l'on fait des achats à versements mensuels, on contracte une dette du premier type. Parce que l'on vous offre souvent une période de grâce quant aux versements, c'est une façon de reporter ses dettes. « Il ne faut pas les oublier et il faut en tenir compte dans l'évaluation de sa situation financière «, dit Mme Dufresne.

Enfin, plusieurs diront de payer la maison rapidement. «C'est une bonne idée, mais il faut aussi épargner pour la retraite «, note Mme Dufresne. Surtout puisque l'intérêt composé permettra aux épargnes de se multiplier rapidement au fil des ans.