Les outils sont parfois gratuits, parfois payants. Mais il y en a pour tous les goûts. Voici comment trois entreprises ont su tirer le meilleur parti des outils dématérialisés mis à leur disposition.

L'ONF: les débuts du cinéma revivent grâce à l'infonuagique

Depuis près de deux ans, l'Office national du film offre ses archives, quelque 13 000 documents vidéo en tout genre, aux internautes. Qu'ils soient devant leur ordinateur personnel, leur téléphone intelligent, leur tablette numérique ou même leur téléviseur, si celui-ci est relié à l'internet, ils ont accès sur demande aux films et aux documentaires créés par l'ONF depuis 1939.

Pour soutenir une demande qui est très variable, l'organisme canadien opte pour une formule mixte: des serveurs situés dans les locaux de l'ONF hébergent ses archives numériques, qui sont reproduites sur d'autres serveurs situés chez son fournisseur de services web.

Quand la blogosphère s'éprend soudainement d'un ancien court métrage et que plusieurs milliers d'internautes décident de visionner le même document en même temps, le fournisseur peut alors ajuster la bande passante en conséquence, afin d'assurer un accès continu aux internautes, sans qu'il en coûte une petite fortune à son client.

«Pour arriver au même résultat à l'interne, il aurait fallu s'équiper d'une bande passante très coûteuse qui n'aurait été utile que dans les moments de pointe, explique Joël Pomerleau, directeur des services interactifs à l'Office. De la façon qu'on fonctionne, ça revient moins cher et c'est plus fiable: on sait que les internautes auront accès en tout temps à nos archives.»

L'extensibilité de la bande passante n'est pas un mince atout pour l'ONF: avec la prolifération des nouveaux appareils branchés à l'internet, c'est une toute nouvelle génération de cinéastes, vidéastes et autres consommateurs de contenu vidéo qui visite désormais son site web.

«La nouvelle génération a des habitudes de consommation sur l'internet bien différentes des nôtres, constate M. Pomerleau. Alors que plusieurs ne comprennent pas encore l'intérêt d'avoir un clavier et un navigateur web dans le salon, pour bien des ados, c'est tout à fait naturel.»

À l'affût, l'ONF a créé des applications pour les téléphones mobiles, les tablettes numériques et même pour les téléviseurs branchés, qui arriveront au Canada au cours des prochains mois.

Alors que plusieurs services de téléchargement de films et de vidéos étrangers partiront alors à l'assaut des foyers canadiens, grâce au nuage, l'ONF sera bien armé pour répondre à la concurrence.





Praized Media

L'agilité d'une jeune entreprise, les outils d'une multinationale. C'est en 2007 que Praized Media a confié l'hébergement de ses services web à Amazon, qui venait tout juste de lancer deux nouveaux services: EC2 et S3.

Pour plusieurs, dont Sylvain Carle, un des trois cofondateurs de Praized, c'est un moment-clé de l'infonuagique.

«Ç'a été pour l'infonuagique ce que l'iPad d'Apple est pour les tablettes: l'élément déclencheur», dit-il.

Ces deux services, qui se déclinent aujourd'hui en plus d'une quinzaine de combinaisons, visent à remplacer toute l'infrastructure informatique nécessaire par un service entièrement hébergé sur l'internet.

Ce n'est pas une formule unique sur le marché, plusieurs grandes entreprises offrent des solutions similaires. Pour une jeune entreprise comme Praized, qui venait tout juste d'hériter d'un financement de quelque 2 millions de dollars pour créer son premier produit, c'était intéressant.

«On venait d'obtenir du financement et on n'avait aucune idée du parc informatique dont on aurait besoin pour soutenir notre produit, dit M. Carle. Fallait-il investir 400 000$ dans une infrastructure immédiatement? Le nuage nous promettait un service sur mesure, dans lequel on pouvait ajouter ou éliminer des composantes sans pénalité. Ça nous convenait pleinement.»

Quelques semaines plus tard, Praized a lancé un site de recommandation basé sur la recherche locale et sur le phénomène tout naissant des réseaux sociaux. Les internautes donnaient leur avis sur des commerces et d'autres pouvaient se baser sur ces avis pour leur propre magasinage.

«À l'époque, ce qui était fort, c'était les blogues. On a conçu notre produit en conséquence, mais ça a rapidement changé.»

Par la suite, alors que Facebook et Twitter ont remplacé les blogues comme lieu d'échange pour ce type d'information, Praized a ajusté le tir. L'utilisation des médias sociaux par les commerçants eux-mêmes a aussi mené l'entreprise montréalaise à revoir sa stratégie afin de leur offrir des outils de promotion reposant sur ce que publient les internautes.

Bref, en trois ans à peine, Praized a changé trois fois de peau. Typique d'une petite entreprise, toutefois, elle s'est adaptée au contexte et pense avoir enfin trouvé une formule plus durable.

En présentation à Paris, Sylvain Carle affirme avoir tissé des liens avec des partenaires désirant déployer sa technologie en Europe. «Et ça les rassure de savoir que nous sommes hébergés par Amazon, qui possède des serveurs en Europe et qui ne flanchera pas d'ici six mois...»

Autrement dit, l'agilité d'une petite entreprise, avec l'infra-structure d'une multinationale.

Photo Evablue, photomontage La Presse

Sylvain Carle

Para9

Son premier loyer et son premier employé: lequel choisir? Au fil des derniers mois, Alexandre Grégoire et ses deux associés ont vu leur entreprise, Para9, grandir à un rythme assez soutenu pour avoir à faire des choix difficiles.

Par exemple, choisir entre l'acquisition d'un premier bureau, ou d'un premier employé assez qualifié pour accélérer cette croissance. Lequel choisir?

Les trois entrepreneurs se spécialisent dans le développement de sites web et d'applications mobiles, une spécialité qui connaît une forte demande à l'heure actuelle. Comme Para9 a connu du succès auprès de clients comme la Fédération des producteurs de lait du Québec, il était prévisible que d'autres clients éventuels se manifestent.

L'entreprise, qui songeait à faire l'acquisition d'un loyer où installer ses pénates, a dû réfléchir à sa stratégie.

Jusque-là, les trois partenaires travaillaient chacun chez soi, utilisant des applications web, comme celles de la populaire suite Google Apps, afin de rester en contact entre eux et avec leurs clients.

Pour rencontrer ses clients, Para9 loue une salle de conférence chez Station C, espace de cotravail que partagent plusieurs petites entreprises, en plein coeur de Montréal.

«Dans notre secteur, les professionnels qualifiés sont difficiles à trouver», explique Alexandre Grégoire. «Il faut y mettre le prix. Ce qu'on a décidé, c'est d'offrir un peu plus pour trouver le bon candidat, mais en contrepartie, il faudra laisser tomber le local.»

À une autre époque, embaucher un nouvel employé pour un poste stratégique exigeait de lui créer un nouvel espace de travail et d'investir dans un nouveau poste informatique, avec des logiciels installés à grands frais. L'émergence d'applications web comme Google Docs, une suite bureautique accessible de n'importe où par le truchement d'un navigateur web, élimine une partie de cette dépense.

Ces suites bureautiques virtuelles ont connu un succès immédiat. En entreprise, elles ont mis un peu plus de temps à faire leur niche. Aujourd'hui, toutefois, même Microsoft offre à ses clients une telle version de sa populaire suite Office.

Dans certains secteurs, comme la création logicielle pour plateformes mobiles, travailler de chez soi avec ces outils est non seulement une option pour les employés, c'est un must. Pour Para9, l'argent ainsi épargné permettra d'embaucher un travailleur plus expérimenté. «On paiera un développeur senior un peu plus cher, mais on sait qu'il pourra faire son boulot d'où il le souhaite.»

En fin de compte, les trois associés devront ouvrir un véritable bureau. La demande est telle que M. Grégoire pense déjà embaucher un second employé. «À ce moment-là, on risque d'avoir besoin d'un local. On ne veut pas avoir à refuser d'autres clients...»

Photo André Pichette, La Presse, photomontage La Presse

Alexandre Grégoire