Une société junior liée à Osisko, Bowmore Exploration, cherche de l'or en Estrie en se basant sur un modèle à très faible teneur en or. Cela laisse présager qu'une mine aurifère à ciel ouvert du type du projet Canadian Malartic pourrait un jour apparaître au sud du St-Laurent.

Bowmore, dont Osisko et ses dirigeants détiennent plus de 40% des actions, a mis la main sur près de 1200 titres miniers le long du bassin sédimentaire St-Victor, entre Magog et la Beauce. Cela représente quelque 700 kilomètres carrés.

Les trois principales zones aurifères sont situées à Wotton et St-Camille, à une vingtaine de kilomètres au sud-est d'Asbestos. Bowmore y a déniché des échantillons d'une teneur moyenne de 0,12 à 0,20 gramme par tonne (g/t). Les échantillons les plus riches ont atteint 1 g/t. Par comparaison, le gisement d'Osisko à Malartic, déjà considéré à faible teneur, affiche une moyenne de 1,13 g/t.

Si Bowmore est tout de même encouragé par de si faibles teneurs, c'est qu'elles correspondent exactement à son modèle d'exploration, explique le président et chef de la direction, Paul Dumas.

Ce modèle est la mine brésilienne Paracatu, appartenant à Kinross. Comme Canadian Malartic, Paracatu est exploitée sur une base de fort tonnage et faible teneur. Sauf que Paracatu nécessite un tonnage encore plus élevé pour une teneur encore plus faible. En d'autres mots, on sort énormément de roche pour en extraire une infime partie d'or.

Paracatu affiche des réserves prouvées et probables de 1,3 milliard de tonnes à une teneur de 0,4 g/t, pour un total de 17,5 millions d'onces d'or. Les réserves d'Osisko sont de 246 millions de tonnes de minerai, pour 9 millions d'onces d'or.

En fait, l'or que cherche Bowmore ne se trouve pas dans des veines comme en Abitibi. Il est plutôt disséminé dans les roches sédimentaires. La junior veut commencer à forer avant la fin de l'année, si possible.

Réticences?

La perspective d'une mine d'or à ciel ouvert en Estrie est encore lointaine. Mais le directeur général de l'Association de l'exploration minière du Québec, Jean-Pierre Thomassin, craint déjà certaines réactions.

«Ce qui m'inquiète, c'est que les gens commencent à confondre gaz de schiste et exploration minière, et qu'on se fasse sortir à coups de pied au derrière, explique-t-il. J'ai peur que les gens pensent qu'on ne dit pas la vérité, qu'ils croient que les explorateurs cherchent du gaz de schiste.»

Les sociétés d'exploration contactées par La Presse Affaires ne constatent pas d'opposition pour l'instant. «Les gens sont curieux et étonnés d'apprendre qu'il pourrait y avoir de l'or chez eux, mais sans plus», dit Patrick Levasseur, d'Uragold Bay Resources. Il ajoute que l'exploration minière est moins à risque que l'exploration gazière, qui nécessite des forages plus profonds et de grandes quantités d'eau.

Uragold veut faire revivre la mine Beauce Placer, exploitée par dragage au début des années 60, et travaille sur la propriété McDonald, au sud-est de Sherbrooke. Elle fait partie des sociétés qui ont pris part à la petite ruée vers les titres miniers du sud du Québec, dans les deux dernières années.

Mais certains explorateurs sont là depuis les années 80. C'est le cas de Golden Hope Mines, qui travaille sur un projet entre Sainte-Justine et Saint-Magloire. «On fore depuis longtemps et les gens sont très ouverts, dit le président Frank Candido. Je crois qu'ils veulent tous que ça fonctionne.»

Le berceau de l'industrie

Près d'Asbestos, où travaille Bowmore, «ce n'est pas une région qui a été favorisée économiquement ces derniers temps, dit Paul Dumas. S'il y a un potentiel d'exploitation dans le futur, je pense que ce sera bien accepté.»

Ce serait un retour dans le temps pour une région au passé minier. «Les Appalaches, c'est le berceau de l'industrie minière nord-américaine», souligne Bertrand Brassard, géologue et consultant qui s'intéresse depuis 30 ans au potentiel minéral du sud du Québec. Il ne reste plus que l'amiante, mais le cuivre et l'or y ont déjà été exploités, entre autres.

Aujourd'hui, le prix des métaux est élevé, l'argent est de nouveau disponible, «et il y a de moins en moins de secteurs disponibles en Abitibi», note M. Brassard.