Aujourd'hui, les entreprises québécoises ont tout avantage à s'internationaliser pour croître en profitant des occasions d'affaires qu'offrent les marchés mondiaux. Cette semaine: composer avec les différences culturelles. Quatrième d'une série de six articles.

Dirigerdes employés d'une autre culture ou négocier avec d'éventuels partenaires étrangers demande du tact et de la préparation.

Ailleurs dans le monde, les façons de travailler ou de négocier diffèrent souvent des méthodes nord-américaines.Il faut se préparer et bien connaître les contextes culturels des pays où l'on compte développer des liens d'affaires.

Si l'on ouvre un bureau ou une usine à l'étranger, on devra recruter des employés dans le pays d'accueil. Les gestionnaires que l'on dépêche surplace doivent comprendre la culture de leurs futurs employés pour éviter des faux pas et des malentendus.

« Quand un gestionnaire nord-américain va travailler sur un projet en Inde, il a été formé à la gestion à la nord-américaine, avec nos façons de faire, dit Isabelle Ducharme,directrice principale,mobilité interna¬tionale chez SNC-Lavalin. Ici, on valorise beaucoupla délégation de tâches,parce qu'on fait confiance à nos employés et qu'on veutles responsabiliser. Mais en Inde, la perception est que si un gestionnaire délègue, c'est parce qu'il est incapable d'effectuer la tâche lui-même et qu'il est incompétent. Il risque de perdre la confiance de ses employés. Il est importantde connaître ce genre d'éléments est avant de partir.»

Selon Tania Saba, professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal,la meilleure façon de composer avec les différences est de favoriser une culture organisationnelle forte, mais ouverte, où les employés adhéreront à des valeurs associées à l'entreprise qui transcendent les différences nationales.

« Les individus savent séparer leur vie au travail de leur vie personnelle, dit-elle. Les ingénieurs, avocats ou autres professionnels se retrouvent autour de certains paramètres et normes qu'ils partagent. On peut rallier les gens autour de façons de faire pour venir à bout des différences culturelles parfois plus difficiles à adapter. «

La meilleure façon d'y parvenir est de mettre beaucoup d'emphase sur la socialisation des employés dès leur embauche. «Il faut passer du temps à leur expliquer les valeurs de l'entreprise, ses traditions, ses rituels, ce qui facilite ensuite le travail», dit Mme Saba.

Mesurer les différences

Plusieursétudesont été menées pour tenter de concevoir desgrilles d'analyse permettant de mesurer les dif¬férences entre cultures.

La plus souvent utilisée est celle des dimensions culturel¬les de Hofstede. Elle aborde les cultures sous cinq différents aspects: la distance hiérarchi¬que, la dimension masculine/ féminine, l'individualisme et le collectivisme, la réduction de l'incertitude, et l'orientation court terme/long terme.

«Dans certaines sociétés, le rapport à la hiérarchie est très différent du nôtre,dit Tania Saba. Si on prend l'exemple des cafétérias communes, il y a des pays où ce n'est pas toléré de voir tout le monde manger à une même table, alors qu'au Québec, il serait impensable de diviser les gens».

Toutefois, il faut éviter de tomber dans les stéréotypes et de conclure que si une personne vient d'un pays, elle va penser de telle façon.

« Les dimensions de Hofstede ne sont pas une panacée, mais c'est une bonne méthode pour comprendre les dimensions à la base de chaque culture», dit Tania Saba.

Pour Jean-Paul David, président de Mercadex International, c'est un outil utile quand on s'apprête à aller négocier à l'étranger. «On ne doit pas s'en tenir uniquement à ces dimensions, mais quand on constate qu'il existe un écart important dans l'une d'elles par rapport à nous, on s'ajuste. Par exemple, en Chine, il ya une vision à très long terme des affaires, alors qu'ici, on s'attendà des résultats rapidement. Savoir cela permet à des dirigeants de relativiser leurs attentes par rapport àune relation d'affaires ou un projet. «

Pour en savoir plus: https:// www.geert-hofstede.com/

Semafo, au rythme de l'Afrique

Présentedanstrois pays et comptant quelque 2200 employés à 90% d'origine africaine, la société d'exploitation minière Semafo a dû relever de nombreux défissur le plandes ressources humaines et développé une philosophie basée sur le transfert des connaissances. «Nous sommes présents au Niger, en Guinée et au Burkina Faso, dit Benoit Desormeaux, vice-président exécutif et chef des opérations. Nous avons là-bas une main-d'oeuvrequi est très peu qualifiée, et pour nos expatriés qui vont travailler surplace le défi est de taille. On prend des gens qui ont toujours travaillé en agriculture dans leur village ou qui effectuaient des travaux peu élaborés.»

Malgré ce fait, l'entreprise québécoise s'estengagée à recruter autantque possible à même les villages avoisinant ses opérations. On doit donc former la main-d'oeuvre de A à Z. Pour ce faire, du personnel québécois, en majeurepartie originaire de l'Abitibi, est expatrié.

«Ils sont reçus par des parrains sur le site pour s'assurer que tout se passe sur le mieux, dit Benoit Desormeaux. Le taux de succès de nos expatriés est de 99%.Ils sont fiers d'aller transmettre leur savoir et s'aperçoivent que les Africains ont une grande volonté d'apprendre. Ils sont contents d'apporter une contribution à l'évolution de la qualité de vie des gens.»

Il va sans dire que des différences culturelles importantes sont observéesetqu il a fallu apprendre à travailler avec.

« L'une des grandes différences concerne la vision du futur et la planification, dit M. Desormeaux. Pour les Africains, la planification dans la vie de tous les jours est minime. Quand un Africain se réveille le matin, sa principale préoccupation est de nourrir sa famille et de veiller à sa santé. C'est pourquoi leur inculquer des notions comme l'entretien préventif, et anticiper les choses représente tout un défi. « Pour aider ses employés à être plus performants, l'entreprise a développé divers services comme des infirmeries et des programmes d'éducation.

« Cela fait en sorte que nos employés peuvent avoir une tranquillité d'esprit et mieux se concentrer sur leur travail. «, dit le vice-président.