Lorsque les ventes ne décollent pas, il faut réagir. Et réagir veut parfois dire retourner à la planche à dessin. C'est le chemin qu'a emprunté Éocycle. Richard Legault, président et directeur général de l'entreprise, revient sur les étapes qui ont amené son entreprise à créer une toute nouvelle génération d'éoliennes.

Éocycle vient tout juste de dévoiler son nouveau bébé, et il a tout d'un colosse. C'est une éolienne haute de plusieurs mètres déjà. Un projet né d'une gestation de deux ans et demi !

Si l'entreprise annonce aujourd'hui fièrement les premiers tours de pales de cette nouvelle éolienne, ce n'est pas parce que la décision de la mettre au monde s'est prise de gaîté de coeur, explique son président, Richard Legault.

« En arrivant en poste il y a trois ans, j'ai constaté que notre produit n'allait pas nous permettre de faire un coup de circuit, dit-il. On s'est demandé si on continuait à vivoter ou si on prenait une énorme décision stratégique. On a finalement décidé de retourner en recherche et développement. »

La décision allait avoir un impact important sur toute la structure de l'entreprise. En mettant le frein sur les ventes, celle-ci allait se priver de revenus importants tout en y allant de nouvelles dépenses.

Richard Legault a d'ailleurs dû convaincre des investisseurs du bien-fondé de son projet.

Une fois le financement assuré, il a pu se lancer.

ÉTUDE DE MARCHÉ

Éocycle est née des travaux de l'ingénieur Maxime Dubois, qui avait ciblé le marché des petites éoliennes pour mettre en valeur l'alternateur qu'il venait de breveter.

Après avoir évalué différentes avenues, ce dernier avait opté pour le segment de marché des éoliennes de 25 kW, celles-là mêmes qui alimentent des fermes et des camps de chasse, notamment.

Richard Legault n'a pas voulu s'éloigner de cette niche. Il comptait simplement offrir une évolution de son produit à un marché qu'il connaissait déjà tout en misant sur sa propriété intellectuelle.

« Le coeur de l'entreprise, c'est son alternateur. Alors on est parti d'une page blanche en développant la nouvelle génération autour de lui », dit Richard Legault.

Éocycle allait tout de même prendre le pouls de son marché avant de faire aller les mains de ses concepteurs. Elle en a profité pour évaluer ce qu'avaient à offrir ses compétiteurs partout sur la planète et a ciblé comment elle pouvait s'en démarquer.

« On a visité les éoliennes de concurrents, embauché des employés d'autres entreprises et misé sur une intelligence de marché poussée pour se préparer », ajoute son président.

DÉVELOPPEMENT

Fort de cette connaissance, l'entreprise est retournée à la table à dessin. Elle a misé sur une myriade de spécialistes externes pour le développement de son nouveau modèle.

L'École de technologie supérieure (ETS) s'est chargée de la conception des pales alors que des laboratoires fédéraux ont validé les colles et les résines. Le laboratoire du CRIQ a quant à lui testé les composantes. Tout ça en plus de consultants externes qui ont validé le design des pièces.

« On a fonctionné avec plusieurs partenaires, mais on s'est assuré de conserver la propriété intellectuelle de l'ensemble de l'éolienne, souligne Richard Legault. On est les seuls à avoir une technologie d'éolienne qui nous appartient, et ça va nous permettre de créer de la valeur. »

L'entreprise est même sortie des frontières québécoises pour trouver certains partenaires. Les pales d'un prototype tournent d'ailleurs présentement dans le ciel espagnol aux fins d'homologation.

« On a payé beaucoup d'honoraires en euros et en dollars américains, lance à la blague le président d'Éocycle. C'est une façon pour nous de nous donner plus de crédibilité à l'international. »

Ce dernier s'attend à garnir son carnet de commandes dès l'automne après l'obtention de l'ensemble de ses certificats. Des ventes en provenance des États-Unis, de l'Europe et du Japon, notamment.

« On sait que notre marché n'est pas au Québec », dit-il.

N'empêche, la filière des éoliennes décentralisées que cible Éocycle vaut déjà plus de 2,5 milliards par année.

« Si on apporte le bon produit, on pourra aspirer à devenir le numéro 1 mondial », ajoute-t-il.

LES CONSEILS

Comment s'assurer que la refonte d'un produit conduise au succès ? Ronald Bannon, conseiller en commerce international chez DPME et spécialiste du marketing de l'innovation, y va de ses conseils sur le sujet.

Assurer le financement

« Retourner en développement, ça vient avec un grand risque, explique l'expert. Les investisseurs aiment rarement ce genre de situation alors il faudra se montrer convaincant et bien démontrer que c'est la meilleure solution pour l'entreprise. »

Protéger la connaissance

« Stopper les ventes d'un produit pour retourner plutôt en recherche et développement fait en sorte qu'on risque de perdre des employés clés, ajoute M. Bannon. Il faut s'assurer de conserver les employés qui ont la connaissance derrière la technologie de l'entreprise, ou trouver une façon de partager cette connaissance. »

Miser sur ses brevets

« La notion de propriété intellectuelle est centrale aux entreprises technologiques », explique le spécialiste de DPME. Selon lui, il faut d'abord voir par toutes les façons comment on peut tirer profit de ses brevets pour développer de nouvelles applications.

Étudier le marché

Procédez à une analyse concurrentielle et à des études de marché pour connaître les besoins de vos clients, mais aussi savoir quels avantages vous avez sur vos compétiteurs.

Assembler un plan d'action

« Une fois qu'on a identifié quel est la clientèle cible et de quelle façon on va se positionner, il faut se donner un échéancier avec un horizon de 18 à 36 mois où on détaille toutes les étapes précommercialisation du produit. »