Pour plusieurs entreprises, le frein de la croissance vient souvent des ventes ou de la disponibilité de la main-d'oeuvre. Pour Arbressence, elle vient plutôt de questions d'approvisionnement. Yannick Rudolph Binette, président fondateur de l'entreprise, nous explique comment il essaie d'augmenter les volumes de production de son entreprise en améliorant d'abord son processus de collecte de résidus de cèdres.

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LE DÉFI

Arbressence recycle les branches de conifères pour en faire des huiles essentielles. La matière première ne coûte rien, mais est difficile à obtenir.

LA SOLUTION

Pour augmenter ses volumes de production, l'entreprise s'est entendue avec une série de municipalités, ainsi qu'avec une poignée d'entreprises. Elle tente maintenant de se faire connaître des habitants des Laurentides, de Lanaudière et de Laval.

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Yannick Rudolph Binette n'a que 23 ans lorsqu'il fonde Arbressence en 2003.

De retour de deux ans de travail aux États-Unis, l'entrepreneur de Blainville se cherchait une occasion d'affaires. Il l'a trouvée en dénichant des équipements d'extraction d'huiles essentielles qui étaient à vendre. Des bouilloires capables de traiter annuellement des centaines de tonnes de feuilles de conifères, comme celles du cèdre.

« L'odeur de l'huile essentielle de cèdre est venue me chercher dès le départ, se souvient-il. Alors, j'ai monté un plan d'affaires, puis j'ai mis 35 000 $ dans le projet. »

On conviendra que l'entreprise était ambitieuse pour un seul homme. Non seulement devait-il mettre à sa main tout le processus d'extraction des huiles, mais aussi dénicher des clients, et avant tout, de la matière première.

« Tout était à bâtir », résume-t-il.

Heureusement pour lui, une forêt allait céder sa place à un quartier résidentiel à Blainville. Un projet de construction devenu un véritable terrain de jeu pour le jeune homme qui en profite alors pour faire le plein de branches de conifères.

C'est à partir d'elles qu'il produit ses premiers litres d'huiles essentielles. Des litres qu'il vend à des entreprises du monde des cosmétiques et de la pharmaceutique.

Mais l'homme d'affaires comprend vite que sa production artisanale n'allait pas lui permettre de demeurer concurrentiel éternellement. C'est que la concurrence est grande dans le secteur et vient de partout.

« Ce que les entreprises cherchent, ce sont les molécules qui sont dans les huiles essentielles, explique-t-il. Et ces molécules, elles peuvent être extraites autant du cèdre d'ici que du pin de Sibérie ou du thuya européen. »

CROISSANCE

Pour augmenter sa rentabilité, Arbressence devait donc croître et augmenter ses volumes de production. Du coup, elle devait aussi récupérer de plus grands volumes de conifères.

Et il était là le goulot d'étranglement de toute la chaîne de production.

« Ramasser des branches, ça allait bien lorsque je le faisais moi-même avec ma camionnette. Mais en grandissant, il a fallu bâtir tout un processus de collecte qui est très coûteux pour nous. » - Yannick Rudolph Binette, président fondateur d'Arbressence

Dès 2008, l'homme d'affaires s'entend avec quelques entreprises spécialisées, mais aussi une série de municipalités qui font la promotion de son service de collecte de résidus de cèdres auprès de leurs résidants. Celles-ci paient l'entreprise pour le service.

« Pour elles, c'est deux fois moins coûteux de travailler avec nous que d'envoyer les branches de cèdre et de sapin dans un site d'enfouissement », explique-t-il.

C'est ainsi qu'une bonne part de la vingtaine d'employés d'Arbressence se consacre à la collecte durant la haute saison.

L'année dernière, ceux-ci ont amassé près de 2000 tonnes de résidus de conifères, surtout du cèdre, mais aussi du sapin, de l'épinette noire et du pin blanc. Du coup, l'entreprise a augmenté sa production de 45 % par rapport à l'année précédente, misant aussi sur de nouveaux équipements capables de doubler son volume de production à terme.

Mais avant d'en arriver là, Yannick Rudolph Binette est bien conscient qu'il lui faudra gérer intelligemment son processus d'approvisionnement en matière recyclable. Selon lui, son défi est de convaincre les citoyens de la couronne nord de Montréal de lui passer un coup de fil après avoir taillé leur haie de cèdres.

« On a un travail d'éducation à faire, explique-t-il. Les gens doivent comprendre que ce qui est bon pour leur ville est aussi bon pour eux et pourrait se refléter dans leur compte de taxes municipales. »

Dans ce souci d'éducation, l'homme d'affaires alloue maintenant du temps de démarchage à ses employés qui sont sur le terrain. C'est en misant entre autres sur ce bouche-à-oreille qu'il entend changer les mentalités et éviter que des sacs remplis de branches de cèdre ne finissent leur vie dans un lieu d'enfouissement.

CINQ CONSEILS

Comment mettre en place un système d'approvisionnement en matériaux recyclables afin de soutenir la croissance de l'entreprise ? Frédéric Bouchard, président de Second cycle et spécialiste de l'économie circulaire, y va de ses conseils sur le sujet.

Commencer par les petits Développez votre chaîne d'approvisionnement en misant d'abord sur plusieurs sources à petit volume. « Au fur et à mesure que vient la croissance, on essaiera de s'arrimer à des collecteurs plus gros », explique le spécialiste.

Utiliser les canaux existants Pour rejoindre les particuliers, misez sur les canaux déjà en place, comme ceux établis entre les municipalités et leurs citoyens, mais aussi ceux que détiennent des entreprises de recyclage.

Offrir des services connexes Développez un service connexe à vos activités. « Une entreprise qui amasse des résidus de cèdres pourrait par exemple offrir un service d'entretien à des centres de paysagement », affirme le spécialiste.

S'installer près de sa ressource « Si la valeur de la matière recyclée est faible et que les coûts de transport sont élevés, on a avantage à planifier la croissance en ajoutant des usines de production à proximité de la ressource. »

Intégrer verticalement Pour assurer un approvisionnement sûr, l'entreprise peut également miser sur sa propre production de matière recyclable. « À condition que ce soit dans une optique de récupération des sous-produits », souligne tout de même Frédéric Bouchard.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Yannick Rudolph Binette, président fondateur d’Arbressence