Tôt ou tard, le dirigeant d'une PME peut avoir à négocier avec un syndicat d'employés. On vous présente le cas de Marquis Imprimeur, qui s'est entendu avec ses employés pour sauver une usine de la fermeture.

Serge Loubier, président de Marquis Imprimeur, a déjà une bonne idée du sort qui attend l'imprimerie Gagné lorsqu'il y met les pieds à l'été 2012. Achetée des mains de Transcontinental en même temps que l'imprimerie Métrolitho de Sherbrooke, l'usine de Louiseville allait être fermée afin de regrouper toutes les activées de Marquis en un seul et même emplacement, à Montmagny.

Ça, c'était selon le plan. Mais avant de passer à l'action, l'équipe de Marquis Imprimeur souhaitait vérifier ce qu'elle venait d'acquérir. Après un court séjour à prendre le pouls de l'usine, elle allait finalement changer d'idée: les activités de l'imprimerie seraient maintenues.

Non seulement les presses n'étaient-elles pas utilisées comme Marquis l'avait estimé, mais l'usine de Louiseville comptait aussi sur une équipe de vente et des contacts précieux chez des clients américains. Une véritable «pépite d'or», selon Serge Loublier. «On ne pouvait pas se passer de cette expertise-là, dit-il, ou en tout cas, on avait peur qu'elle ne nous suive pas à Montmagny.»

Maintenir les activités de l'usine, d'accord, mais encore fallait-il qu'elles soient rentables. Le hic était là. L'imprimerie de Louiseville ne faisait pas ses frais. Pourtant, Serge Loubier en faisait une priorité. Selon lui, il n'y avait qu'une solution: rouvrir la convention collective.

«On a crevé l'abcès en partant, en indiquant aux employés quel était notre plan», raconte le président de Marquis Imprimeur. Afin de montrer le sérieux de la proposition, la direction a ouvert d'emblée ses livres aux représentants de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) responsables du dossier.

C'est là que les négociations ont commencé. Elles ont duré environ trois mois. Pendant cette période, la direction a cherché à rétablir les conditions d'emploi et de salaire des travailleurs de Louiseville au niveau de celles de leurs confrères de Montmagny.

Serge Loubier était absent de la table des négociations, car il souhaitait laisser cette tâche aux spécialistes des ressources humaines de son entreprise. Il ne s'en mêlait que pour débloquer les impasses. «C'est arrivé deux fois que j'aie eu à appeler le responsable des pâtes et papiers à la FTQ pour lui dire: «Là, on s'en va dans le mur, il faut qu'on fasse quelque chose chacun de notre bord, alors trouve-moi une solution», dit-il. Après ça, ça descendait en bas à la table de négociations.»

Puis, en décembre, les deux parties ont accordé leurs violons. La nouvelle entente allait permettre aux propriétaires d'économiser 3 millions de dollars et garantissait la rentabilité des activités.

Un conseil porteur

S'entendre avec les représentants syndicaux ne représentait toutefois qu'une étape: encore fallait-il obtenir l'aval des employés.

Afin de garantir le succès de toute l'opération, Serge Loubier a cherché conseil chez Rémi Marcoux, fondateur et administrateur de Transcontinental et l'homme de qui il venait d'acheter deux usines. Celui-ci lui a alors donné un conseil bien simple en soi: présenter la nouvelle proposition aux employés non pas à l'occasion d'une grande réunion, mais devant de petits groupes de cinq ou six employés.

Les dirigeants de Marquis ont suivi le conseil. Pendant une semaine, ils se sont affairés à rencontrer l'ensemble de leurs employés par petites équipes, de jour comme de nuit. Une stratégie qui a délié les langues, explique Serge Loubier. «Ç'a été libérateur parce que ça a permis de décharger l'émotivité du vote», dit-il.

Était-ce en raison de cette approche, ou simplement l'idée que la meilleure entente possible avait été négociée? Qui sait, mais les employés de l'usine ont finalement accepté leur nouveau contrat de travail, et ont permis à Marquis Imprimeur de faire une percée aux États-Unis.

Marquis Imprimeur

LE DÉFI

Marquis Imprimeur achète deux usines de Transcontinental à l'été 2012. Il ferme la première, mais souhaite conserver la seconde. Le problème: celle-ci n'est pas rentable.

LA SOLUTION

Pour garantir la survie de l'usine, les nouveaux propriétaires demandent de rouvrir la convention collective des employés de l'usine. Le syndicat accepte de s'asseoir à la table et s'entend sur de nouvelles conditions.

LE PORTRAIT

Entreprise: Marquis Imprimeur

Année de fondation: 1939

Nombre d'employés: 308

Président: Serge Loubier

Principaux actionnaires: Serge Loubier, Pierre Fréchette et Marc Delisle

Secteur: imprimeur