Mylène Paquette avait une envie subite de viande. De gros morceaux de porc. C'était en pleine nuit, au beau milieu de l'Atlantique. Qu'à cela ne tienne.

«Je me suis levée, j'ai viré tout le bateau à l'envers pour trouver un sachet de porc méditerranéen», raconte la rameuse en riant, dans une entrevue avec La Presse Affaires.

Pour sa grande traversée, Mylène Paquette s'était embarquée avec 303 repas lyophilisés mitonnés par une toute petite entreprise de Montérégie, Happy Yak, fondée il y a quelques mois par Christine Chénard et Guy Dubuc.

«J'ai connecté avec Christine, elle a un tel dynamisme, commente Mylène Paquette. Elle connaissait les besoins des aventuriers parce qu'elle fait elle-même beaucoup de montagne. J'ai été contente de travailler avec quelqu'un qui partage mon goût du voyage.»

Les origines de Happy Yak sont liées à un autre aventurier: Bernard Voyer. En 1996, celui-ci avait demandé à Mme Chénard, une nutritionniste de formation et une spécialiste en recherche marketing pour l'industrie agroalimentaire, de lui préparer sa nourriture pour une expédition au pôle Sud en 1996.

Le nom de Mme Chénard a par la suite commencé à circuler dans le milieu du plein air, et elle s'est mise à préparer des repas lyophilisés pour diverses expéditions, notamment celles de l'agence montréalaise Karavaniers. Il s'agissait toutefois d'une activité à temps partiel pour elle.

Le grand saut

L'année dernière, à l'aube de la cinquantaine, Mme Chénard et M. Dubuc, un spécialiste du commerce de détail, ont décidé de faire le grand saut. Ils ont entrepris de se consacrer à Happy Yak et de rendre ses repas lyophilisés disponibles au grand public.

«Ça prend un brin de folie pour commencer cela à notre âge», lance Mme Chénard.

«Mais si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais», ajoute M. Dubuc.

Il y a déjà plusieurs joueurs sur le marché des repas lyophilisés. Du côté québécois, on retrouve notamment Outdoor Gourmet Plein Air, de l'entreprise Lyo-San de Lachute; des repas développés par la nutritionniste Odile Dumais.

Ces divers produits se préparent rapidement: on met de l'eau bouillante dans un sachet, on le referme, on attend huit minutes, puis on mange.

Les repas de Happy Yak demandent un peu plus de préparation: il faut mettre le contenu du sachet dans une casserole, ajouter de l'eau, amener à ébullition, puis laisser reposer une dizaine de minutes.

«C'est un pari que nous avons pris, explique Mme Chénard. Nous ne visons pas nécessairement les gens qui font de la distance, de la performance, qui sont au beau milieu d'une paroi rocheuse, mais ceux qui n'ont pas l'habitude de manger des repas lyophilisés, qui veulent avoir l'impression de cuisiner.»

Il y a une autre différence: Happy Yak n'est pas disponible dans les magasins de plein air. L'entreprise distribue ses produits uniquement par internet.

Pour se faire connaître, Happy Yak doit donc participer à toutes sortes de salons de plein air, de festivals de raquette et de courses de ski de fond.

Le pâté chinois meilleur que celui de Mylène Paquette

Happy Yak est encore une bien petite entreprise: elle compte de deux à sept employés, selon les périodes de production. Ses coûts fixes sont peu importants: les dirigeants louent de l'espace dans un incubateur d'entreprise de Saint-Hyacinthe pour préparer les plats, effectuer la lyophilisation et emballer le tout.

Mais les dirigeants voient grand.

«Pour l'instant, nous travaillons sur la cuisine de plein air, mais nous pensons qu'il y aura de la demande dans d'autres marchés», avance Mme Chénard, sans vouloir donner davantage de précisions.

Chose certaine, Mylène Paquette est une fan. «J'adore leur pâté chinois, s'enthousiasme-t-elle. C'est un repas lyophilisé, et pourtant, il est meilleur que mon propre pâté chinois.»

----------------

LA LYOPHILISATION

Contrairement à la simple déshydratation, la lyophilisation fait appel au froid. On soumet les aliments à une température de - 30 à - 40 degrés pour les congeler rapidement. Puis, on les met sous vide avant de les soumettre à la température de la pièce, ce qui permet d'éliminer complètement l'eau qu'ils comportaient. Ce procédé conserve davantage l'aspect et la valeur nutritive des aliments que la déshydratation.