La créativité québécoise a permis au Cirque du Soleil, en dépit des pertes d'emplois annoncées récemment, de faire sa marque partout dans le monde. C'est également par la créativité que la PME Lemay et associés, une firme d'architecture qui s'est transformée en boîte multidisciplinaire, est en train de devenir elle aussi un joueur de classe mondiale.

L'entreprise installée dans Griffintown, dans le sud-ouest de Montréal, a récemment gagné un concours international afin de concevoir (et non de diriger les travaux de construction, du moins pas pour le moment) la nouvelle ville d'El-Ménia, en Algérie. Cette cité nouveau genre sera le prolongement de la ville de Constantine, un joyau du patrimoine mondial vieux de 3000 ans. En clair, il s'agit d'un contrat prestigieux que Lemay a remporté de concert avec le bureau d'ingénieurs québécois EXP.

El-Ménia est l'aboutissement d'un travail colossal. La firme montréalaise a coiffé des bureaux d'architectes européens et asiatiques pour l'obtention de la première phase de ce méga projet, dont la valeur totale frôle les 3 milliards.

Selon Louis Lemay, âgé de 53 ans, qui refuse qu'on le présente comme président de la PME, mais plutôt comme «facilitateur vers l'excellence», les promoteurs algériens ont été séduits par le dossier de l'entreprise. Lemay a présenté les plans d'une ville favorisant la qualité de vie, notamment par les déplacements à pied.

Des projets un peu partout

La PME a d'autres projets d'importance dans sa ligne de mire. Louis Lemay revient de Chine où il a obtenu le contrat pour la conception d'un hôpital universitaire à Lanzhou, dans le nord-ouest du pays.

Lemay est également en attente des résultats d'un concours international pour la conception du nouveau parlement du Costa-Rica, pays où la firme a déjà participé au projet de construction d'un hôpital.

Au Québec, Lemay est derrière des projets comme le Centre Bell, le siège social de la Caisse de dépôt et placement, le siège social d'Astral Média de même que l'agrandissement (en cours) du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

Selon Louis Lemay, c'est en diversifiant son offre de service et en misant sur la créativité que son entreprise a commencé à être reconnue à l'étranger. Jusqu'en 2008, Lemay réalisait 25% de son chiffre d'affaires aux États-Unis, principalement en concevant des stations de vacances. La crise économique l'a toutefois contraint à fermer ses bureaux au Vermont et, par conséquent, à rapatrier toutes ses activités au Québec.

C'est à ce moment que le chef d'entreprise et son équipe se sont questionnés sur les façons de se démarquer afin de rebondir, tant ici qu'à l'étranger. Aujourd'hui, 20% de ses revenus proviennent de projets à l'extérieur du Canada.

«Notre modèle ressemble à celui d'Apple; on n'a pas fait d'étude de marché avant de se diversifier. On a tout simplement pris les devants. On a répondu à une demande existante, mais pas nécessairement réclamée. On sentait que nos clients avaient besoin de quelque chose de plus», explique Louis Lemay.

Au-delà de l'architecture

La PME s'est donc tranquillement tournée vers le design intérieur et urbain, l'image de marque et l'efficacité des bâtiments. Aujourd'hui, elle compte dans son équipe quelque 150 architectes, designers et urbanistes. Bref, une véritable ruche qui carbure aux idées.

De par ses interventions, Lemay veut toucher trois grandes sphères: créer des environnements de travail sains, réduire l'empreinte écologique de ses clients et, par le fait même, créer (ou renforcer) l'image de marque de ceux-ci.

La transformation de Lemay n'est d'ailleurs pas encore complétée. L'entreprise veut également se spécialiser dans ce que Louis Lemay appelle «l'optimisation des façons de faire» de ses clients.

«On veut les aider à être plus efficaces dans leurs façons de travailler en revoyant, entre autres, l'utilisation des salles et des bureaux. Une cafétéria ne sert qu'une heure par jour. Pourquoi ne pas profiter de cet espace le reste du temps? Au lieu de procéder à un agrandissement ou de construire un immeuble neuf, il est parfois possible de repenser un lieu qu'on croyait trop petit», dit-il.

Fondée à Montréal en 1957 par Georges Lemay (le père de Louis) et Claude Leclerc, Lemay était à l'origine une firme traditionnelle d'architecture. Louis Lemay, architecte depuis 1984, a fait ses classes aux États-Unis et dans l'Ouest canadien avant de joindre son paternel. Il est à la tête de l'entreprise depuis 15 ans.

Père de trois enfants (dont aucun n'étudie en architecture) et grand skieur devant l'Éternel (il a skié un peu partout dans le monde, notamment dans les coins les plus reculés et les plus inaccessibles d'Alaska), Louis Lemay n'est pas près de prendre sa retraite. Il a néanmoins mis en place un processus de relève afin d'assurer la pérennité de l'entreprise à long terme.