Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du Centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle d'entreprise qui suscite des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

Timpson est une entreprise familiale britannique fondée en 1865. Elle est actuellement dirigée par la quatrième (John) et la cinquième génération (James) de Timpson. Pendant plus d'un siècle, l'activité principale de Timpson était la fabrication et la vente de chaussures. Au fil du temps, la réparation de chaussures a pris de plus en plus d'importance, au point d'évincer la fabrication et la vente de chaussures. D'autres services ont été ajoutés peu à peu tels que la réparation de montres, la coupe de clés, la gravure et le service de serrurier mobile. Timpson est donc principalement une entreprise de services.

Timpson, c'est la petite boutique du coin à l'échelle nationale. Avec ses 3000 employés et ses 850 boutiques en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, Timpson est la référence en matière de commerce au détail au Royaume-Uni. Malgré les tempêtes et les crises, l'entreprise est prospère et rentable, et ce, selon les dires de John Timpson, grâce à «l'approche Timpson».

L'Upside Down Management

John Timpson a donné un nom à son style de gestion: l'Upside Down Management. Le service à la clientèle est la base de l'Upside Down Management. Chez Timpson, le client passe toujours en premier. Les gens travaillant directement dans les boutiques sont considérés comme étant les plus importants de l'entreprise, car ce sont eux qui ont un contact direct avec les clients et, par conséquent, ils doivent avoir la liberté d'agir afin de les satisfaire. Par exemple, n'importe quel employé dans une boutique peut dépenser jusqu'à 500 £ (800 $ CAN) pour régler une plainte d'un client sans demander la permission à quiconque. Par ailleurs, les prix proposés aux employés des boutiques sont flexibles. Les employés ont la liberté d'offrir des rabais lorsqu'ils jugent opportun de le faire. Les gérants des boutiques ont carte blanche quant au stock dans leur boutique afin de répondre aux besoins des clients.

En fait, Timpson n'a que deux règles formelles: «1: Avoir le profil de l'emploi. 2: Être d'une honnêteté irréprochable.» (Extrait du livre How to Be a Great Employee). La première règle rappelle l'importance d'adopter une tenue et un comportement appropriés afin d'offrir un service à la clientèle hors pair. La deuxième règle rappelle l'importance de ne pas mentir, de ne pas voler et d'admettre ses erreurs. En effet, pour ce type d'organisation, le plus grand risque est le vol (d'où la deuxième règle). Pour pallier ce risque, les clients sont mis à contribution. Par exemple, sur chaque caisse enregistreuse, il y a un collant qui précise que si les clients ne reçoivent pas de reçus, ils ont droit à un service gratuit. Cette initiative est loin d'être une naïve tentative pour satisfaire le client, mais plutôt une façon de s'assurer que les employés enregistrent toutes les transactions.

Si la mauvaise performance d'une boutique éveille les soupçons, la haute direction n'hésitera pas à installer des caméras cachées. Les employés sont informés de cette possibilité dès l'embauche.

Très bons avantages sociaux

Pour recruter et garder les meilleurs employés, Timpson offre de très bons avantages sociaux. De plus, la plupart des promotions se font à l'interne. Ainsi, les employés entrevoient un avenir à plus long terme avec l'entreprise. Le taux de roulement est très élevé chez les nouveaux employés durant les huit premières semaines, car plusieurs ne peuvent s'adapter au style de gestion et quittent rapidement l'entreprise. Par contre, le taux de rotation est très faible chez ceux qui décident de rester. Les réactions sont donc assez fortes: soit on aime et l'on y reste longtemps, soit on déteste et l'on quitte rapidement. Les employés qui restent sont donc très loyaux et font partie de la famille. D'ailleurs, il arrive que des cas de vol soient découverts grâce à des délateurs internes.

Sophie Tessier et Luis Cisneros sont professeurs à HEC Montréal.

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QUELQUES INTERROGATIONS

> Timpson est-elle vraiment une entreprise «sans contrôle» ?

> Que penser de l'Upside Down Management comme mode de gestion?

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ET DES ÉLÉMENTS DE RÉPONSE

> Il faut distinguer les contrôles bureaucratiques (règles, politiques et procédures qui définissent comment les actions doivent être exécutées et par qui) des contrôles sociaux (valeurs, normes, idéologies qui guident les façons d'être et d'agir des employés).

> Timpson n'est pas une entreprise sans contrôle, mais plutôt une entreprise avec un contrôle bureaucratique minime pallié par un contrôle social très fort.

> L'analyse des scandales financiers mène souvent à la même conclusion: la cause fondamentale du dérapage est la défaillance des contrôles sociaux qui, à son tour, entraîne une mauvaise application des contrôles bureaucratiques.

> Comme tout mode de gestion, l'Upside Down Management peut très bien convenir à certaines entreprises - et certains employés - mais n'est certainement pas une panacée. Pour Timpson, cette approche semble adaptée au fait que l'entreprise comporte de nombreuses boutiques, petites et indépendantes, qu'il s'agit d'une entreprise de services basée sur la satisfaction des clients et que l'activité comporte peu de risques.

Vous trouverez la version intégrale du cas «L'approche Timpson par 'l'absence' de contrôle» à l'adresse https://www2.hec.ca/centredecas du Centre de cas HEC Montréal.