Les cidriculteurs et les vignerons du Québec peuvent tous vendre leurs produits à la propriété. Mais pas les fabricants de spiritueux. Ceux-ci s'organisent actuellement afin de tenter de faire amender la Loi sur la Société des alcools du Québec (LRQ).

«C'est la loi de la prohibition qui date des années 50. Nous sommes en 2011, il est plus que temps de changer cette loi», tempête le cidriculteur Michel Jodoin. En 1989, cet entrepreneur de Rougemont a été l'un des premiers au Canada à exploiter un petit alambic. Il a longtemps fait cavalier seul avec son brandy, sa liqueur et son eau-de-vie de pommes.

Mais voilà que le Québec compte désormais six détenteurs d'un permis de distillation, dont Domaine Pinnacle, de Frelighsburg, Intermiel, de Mirabel, et Choquette et Lemieux, de Saint-Hyacinthe. Ils veulent faire front commun afin de pouvoir vendre leurs produits à la propriété et non plus uniquement à la SAQ ou en les exportant.

«Il y a un boom de microdistilleries en Amérique du Nord. Et il n'y a qu'au Québec qu'on a les mains liées. Le MDEIE [ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation] a le pouvoir de faire changer les choses. Le Ministère nous parle de créativité et d'innovation, mais il nous ferme la porte au nez», s'insurge Michel Jodoin.

Vendre à la propriété permettrait tout simplement aux distillateurs de mieux tirer leur épingle du jeu, croit Nicolas Marrant, un jeune entrepreneur de Baie-Saint-Paul, qui n'attend qu'un amendement à la loi avant d'investir 250 000$ dans un alambic.

«C'est un frein à l'élaboration de mon entreprise. Comment voulez-vous que je crée quelque chose de viable si je n'ai que la SAQ et les autres provinces comme débouchés. Vendre mon produit 10$ à la SAQ, qui elle, va le revendre 40$, je ne trouve pas ça logique», explique celui qui est brasseur depuis 10 ans à la Microbrasserie de Charlevoix.

Selon Pierre Forgues, directeur au MDEIE, la loi n'est pas près de changer. «En 1996, la loi a été modifiée pour accommoder les producteurs artisanaux, c'est-à-dire ceux qui transforment ce qu'ils cultivent. Dans le cas des microdistillateurs, ce n'est pas le cas. Ce ne sont pas des agriculteurs qui veulent ajouter de la valeur à ce qu'ils cultivent. Ça me donne l'impression qu'ils veulent contourner les règles pour ne pas payer de taxes», dit-il.

Actuellement, en matière de distillation au Québec, il n'existe qu'un permis industriel (valant près de 3000$), ce qui oblige les distillateurs à vendre leur production à la SAQ. «On ne dit pas que la loi ne changera jamais, qu'il n'y aura pas de permis artisanaux. Mais il n'y a pas eu de demandes en ce sens à ce jour. On ne peut pas modifier la loi pour quelques individus seulement. Il faudra que la demande soit faite par un groupe organisé, un peu comme cela s'est fait pour le cidre et le vin», affirme Pierre Forgues, dont le ministère gère certains chapitres de la LRQ, dont le volet fabrication.