L'ouverture en mars dernier, à Montréal, de la première serre commerciale du monde construite sur un toit n'est qu'un prélude pour Mohamed Hage. L'objectif ultime de cet entrepreneur de 29 ans est de voir pousser des serres sur les toits de toutes les grandes villes de la planète. Bref, il veut être à la base d'une révolution agricole mondiale.

Produire des légumes en plein quartier industriel sur un immeuble de trois étages et nourrir environ 2000 Montréalais sur une base continue a quelque chose de très grisant pour le président et fondateur de la PME Les Fermes Lufa. Mais l'aventure ne fait que commencer, selon Mohamed Hage. L'homme d'affaires prévoit ainsi ouvrir une nouvelle serre en 2012 à Montréal. Il discute actuellement avec des partenaires financiers.

«On n'a pas changé grand-chose à ce jour. On ne fait que nourrir 0,1% de la population montréalaise. Je n'ai même pas encore débouché de bouteille de Champagne», dit le jeune homme d'origine libanaise.

Mohamed Hage a de toute évidence de grandes ambitions. Et il est persuadé que son concept de serres sur les toits, mais aussi la technologie et le savoir-faire qui y sont associés, fera du chemin. L'agriculture en milieu urbain est, soutient-il, attrayante, rentable, mais surtout bénéfique pour l'environnement. «C'est du capitalisme responsable. Nous sommes la voiture électrique de l'agriculture», se permet-il de lancer en guise de comparaison.

Selon lui, cultiver sur un toit ne comporte que des avantages. «Nous n'occupons pas d'espace sur les terres agricoles et nous n'utilisons pas de pesticides. Nos légumes n'ont pas à parcourir de longues distances, ce qui réduit les frais de transport. Nous déboursons tout au plus 15$ d'essence par jour», explique-t-il.

L'homme d'affaires affirme par ailleurs produire ses légumes avec deux fois moins d'énergie qu'une serre construite sur terre. «L'hiver, nous profitons de la chaleur du bâtiment sur lequel nous sommes. Et l'été, nous agissons comme un toit végétal et nous aidons à refroidir les étages en dessous de nous. En plus, nous récupérons l'eau de pluie et nous recyclons l'eau avec laquelle nous arrosons nos végétaux», dit Mohamed Hage.

Le complexe serricole de quelque 31 000 pieds carrés des Fermes Lufa, installé à deux pas du Marché central dans Ahuntsic-Cartierville, est opérationnel depuis mars 2011. Le projet a nécessité un investissement de 2 millions et aura mis cinq ans à se concrétiser. Mohamed Hage et sa famille en sont les principaux actionnaires.

Rentable à long terme

La PME de 15 employés produit plus de 25 variétés de légumes (tomates, verdures, concombres, fines herbes, etc.). L'entreprise montréalaise est par ailleurs une véritable pépinière de talents où agronomes, informaticiens, microbiologiste et autres ingénieurs travaillent à l'unisson.

Cette grande expertise permet aux Fermes Lufa de faire de la polyculture, ce qui est un tour de force, selon Mohamed Hage. «Les serres font habituellement de la monoculture. Nous utilisons les meilleures méthodes de culture en maximisant l'espace utilisé. Et parce que tout est informatisé, nous sommes capables de recréer plusieurs microclimats sous un même toit. C'est cette technologie que nous tenterons de reproduire ailleurs», explique Mohamed Hage.

Pour l'heure, la PME tire ses revenus de la vente de ses produits à 650 abonnés qui vont cueillir leur panier de légumes frais une fois par semaine à l'un des 30 points de chute dans l'île de Montréal. Une nouvelle ronde «d'abonnements» est sur le point de commencer.

Selon la taille du panier de légumes, il en coûte entre 22$ et 42$ hebdomadairement. Cette pratique s'inspire directement du concept de l'Agriculture soutenue par la communauté (ASC) mis en place par Équiterre aux quatre coins de la province. Par ailleurs, quelques restaurateurs, dont Toqué!, s'approvisionnent auprès des Fermes Lufa.

Vendre la technologie

L'entreprise honore ses paiements et réussit à générer «un cash flow positif», affirme le président de la PME. «Mais on ne deviendra pas millionnaires en vendant uniquement des légumes. Notre capacité de production est presque atteinte. C'est en vendant notre technologie que nous progresserons», dit Mohamed Hage, ancien informaticien dont la famille au Liban travaille dans le secteur de l'agriculture.

Le président de la PME multiplie actuellement les rencontres avec différents investisseurs dans le but avoué de voir pousser d'autres serres sur les toits d'ici et d'ailleurs. Une entente serait sur le point d'être conclue avec un partenaire américain, dit M. Hage, sans toutefois vouloir donner plus de détails.

Il y a de fortes chances qu'une deuxième serre ouvre à Montréal en 2012. Ce qui donnera des munitions à ce révolutionnaire agricole qu'est devenu Mohamed Hage.