Bernard Le Grand et Tatiana Bossy ne veulent rien imposer à leurs trois ados. Léguer une entreprise à sa progéniture ne fait pas partie des plans de ce couple qui a fondé La Maison Le Grand en 1997.

Les deux entrepreneurs savent d'ores et déjà qu'ils vendront, probablement d'ici 10 ans, leur PME de Saint-Joseph-du-Lac, connue pour ses sept produits (trois pestos, deux tapenades, un tzatziki et une sauce) vendus dans le rayon des produits réfrigérés des grandes surfaces et des marchés d'alimentation. Entre-temps, ils ont rendez-vous avec la croissance et ont plusieurs projets dans leur besace, notamment exporter davantage à l'extérieur du Québec.

Les Le Grand-Bossy détonnent dans le paysage québécois de l'entrepreneuriat. Ils ont une vision des choses aux antipodes du modèle conventionnel, c'est-à-dire bâtir une entreprise pour ensuite la léguer à leurs enfants.

«Plusieurs croient qu'il est naturel que les enfants héritent de l'entreprise familiale. Ce sont plutôt les parents qui se projettent dans leurs enfants et qui se créent une sorte d'éternité un peu narcissique», explique sans ambages Tatiana Bossy, 42 ans.

«Or, ajoute-t-elle, il se peut que ce soit un cadeau empoisonné. Aucun de nos enfants ne semble vouloir prendre le flambeau et il ne faudrait surtout pas que le confort les y appelle après qu'ils aient vu autre chose dans la vie.»

Mme Bossy et son conjoint reconnaissent être à contre-courant. «Je crois qu'on jette une lumière nouvelle sur le sujet. Ce qu'on souhaite à nos enfants, c'est de se développer harmonieusement et de poursuivre leurs rêves. Nous ne sommes pas fermés à l'idée. Si une passion réelle devait naître, je crois que nous serions capables de l'identifier», tient-elle à souligner.

Les deux entrepreneurs souhaitent-ils garder la PME en sol québécois? «Vendre à un Québécois qui n'aurait pas la même vision que nous serait futile. Ce qui importe, c'est la continuité de la qualité. C'est notre plus grande responsabilité face à notre clientèle», ajoute la femme d'affaires.

Prospérer aux États-Unis

Cela dit, Bernard Le Grand et Tatiana Bossy n'ont pas l'intention de rester les bras croisés d'ici à ce qu'ils prennent leur retraite. Faire prospérer leur PME pour mieux la vendre les tiendra très occupés au cours des prochaines années. Au programme: lancer de nouveaux produits (au moins deux par année) et augmenter leur présence au sud de la frontière.

Pour faire mousser les ventes chez l'Oncle Sam, les deux entrepreneurs participent à des foires commerciales depuis quelques années, notamment au Fancy Food Show de New York, de même qu'au très couru Natural Products Expo West en Californie.

La Maison Le Grand est présente aux États-Unis depuis presque cinq ans. Tatiana Bossy se rend d'ailleurs tous les mois chez nos voisins du Sud pour veiller au bon déroulement des campagnes de promotion (entre autres, les dégustations en magasin) et rencontrer des distributeurs. Bref, cette grande blonde aux yeux bleus et au sourire immaculé connaît de mieux en mieux ce marché de 300 millions de personnes.

Actuellement, la PME de 17 employés enregistre un chiffre d'affaires d'environ 5 millions de dollars. L'entreprise vend 80% de ses produits au Québec, 10% dans le reste du Canada (surtout en Ontario) et 10% aux États-Unis (sur la côte Est et un peu en Californie).

Emballage original

On reconnaît les produits Le Grand (vendus de 5$ à 7$) à leur emballage original, c'est-à-dire un sachet de 200 ml muni d'un bouchon dévissable. Ce nouvel emballage a été créé en 2008, pour remplacer le conventionnel pot de verre. Ce changement a été profitable à l'entreprise, notamment lorsqu'elle a décidé d'entrer sur le marché américain. «On n'a que quelques secondes pour attirer l'attention du client», dit Bernard Le Grand.

Mais cette nouvelle image a également failli lui jouer des tours. «Plusieurs de nos clients ont cru que nous étions devenus une grosse entreprise industrielle en voyant notre nouvel emballage, ce qui n'est pas du tout le cas», ajoute l'entrepreneur de 52 ans.

Production artisanale

Même si sa conjointe et lui ont transformé l'ancienne école du village de Saint-Joseph-du-Lac en une petite usine agroalimentaire de haute technologie de 7000 pieds carrés, Bernard Le Grand affirme encore travailler selon un modèle artisanal. «Nous ne produisons que des quantités allant de 40 à 150 litres à la fois», jure-t-il.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Bernard Le Grand et Tatiana Bossy n'étaient pas très ferrés en production agroalimentaire. Monsieur a été joueur de batterie dans différents orchestres, alors que madame est diplômée en littérature. Dans les années 80 et 90, M. Le Grand a tenu une petite fabrique de sandwichs sur le Plateau Mont-Royal.

Le couple a déménagé ses pénates dans les Basses-Laurentides, où il a commencé à produire un pesto aux quatre fromages que Bernard Le Grand a conçu. Les ventes allaient bon train, mais elles ont littéralement explosé le jour où Daniel Pinard a vanté le pesto Le Grand à son émission culinaire. Depuis, la PME n'a cessé de croître.