Eduardo Estrela se targue d'être le roi de la caille en Amérique du Nord. Mais ce roi a bien failli être déchu à la suite d'un incendie qui a ravagé son usine de transformation. En l'espace d'un an, son chiffre d'affaires est passé de 9 à 3 millions. M. Estrela a même eu recours à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Mais il en faut davantage pour ébranler cet entrepreneur de 59 ans qui s'apprête à rebondir et dont les produits sont en demande jusque dans les pays du Golfe.

Nutri-Cailles est une entreprise intégrée située à Sainte-Hélène-de-Bagot, en Montérégie. La PME y possède un couvoir, une ferme d'élevage et un abattoir. L'entreprise vend 95% de sa production de cailles aux États-Unis, où les Asiatiques et les Européens d'origine s'arrachent littéralement ses produits. «Nous avons de la difficulté à répondre à la demande», lance Eduardo Estrela.

La PME abat actuellement près de 60 000 oiseaux par semaine. La caille est un proche cousin de la perdrix. Cette petite volaille très recherchée a une réputation maintes fois séculaire. Elle est notamment citée dans la Bible et le Coran.

L'objectif du président de Nutri-Cailles est de populariser la caille. «Ce n'est plus un mets qu'on trouve uniquement dans les restaurants quatre étoiles. Nos produits sont vendus dans les Wal-Mart», dit-il. Pour un emballage de 6 cailles, totalisant 800 grammes, il faut compter de 9$ à 12$.

Si Nutri-Cailles tire le diable par la queue depuis un peu plus d'un an, c'est parce que son assureur refuse toujours de l'indemniser à la suite d'un incendie qui a partiellement ravagé son usine de transformation d'Acton Vale. Dans la foulée, Nutri-Cailles, qui compte actuellement 55 employés, a dû mettre à pied une trentaine de personnes. Cela a eu pour effet de freiner la croissance de l'entreprise qui désirait passer de 60 000 à 100 000 cailles abattues par semaine.

Agrandissement

Ce n'est donc que partie remise, affirme Eduardo Estrela, dont la famille - et quelques créanciers - vient d'injecter près de 1,7 million afin d'aider Nutri-Cailles à garder la tête hors de l'eau d'ici à ce que le litige avec les assurances soit réglé.

À court terme, la PME vise l'abattage de cinq millions de cailles par année. Et au lieu de reconstruire son usine de transformation à Acton Vale, elle prévoit annexer celle-ci à son abattoir de Sainte-Hélène-de-Bagot. Un investissement qui frôlera les 2 millions.

La famille Estrela, c'est-à-dire Eduardo, sa femme, sa fille, son fils, son gendre, ses beaux-frères, ses cousins et tutti quanti, brûlent donc d'impatience de renouer avec la croissance. Depuis peu, la PME exporte ses produits vers les Bermudes. Et elle vient tout juste d'être sondée par des distributeurs qui desservent les pays du golfe Persique (Bahreïn, Dubaï, Koweït, etc.).

L'entreprise montérégienne n'est pas seulement connue pour ses cailles; elle l'est également pour ses poules de Cornouailles. Nutri-Cailles abat près de 15 000 poules par semaine, pour environ 750 000 oiseaux annuellement. Ce type de volaille est particulièrement prisé par les Anglo-Saxons. Près de 95% de la production de la PME est vendu au Canada, sous forme de mets prêt à manger ou de poules entières dont le poids varie de 300 à 1000 grammes.

Pas pris au sérieux

Et dire qu'en 2001, lorsqu'il a fondé Nutri-Cailles, Eduardo Estrela a presque fait rire de lui. «Les gens me disaient: «Tu vas te planter; qui est-ce qui mange de la caille?»» se souvient l'homme d'affaires qui, avec ses parents, a quitté son Portugal natal à la fin des années 50 pour venir s'établir à Montréal.

L'entrepreneur est pour ainsi dire parti de rien. Les défis, Eduardo Estrela connaît. À l'âge de 35 ans, après avoir travaillé dans des abattoirs à Montréal, il s'est acheté un «chalet» à Saint-Nazaire-d'Acton, où son père et lui avaient pour pensionnaire une seule vache. Quelques années plus tard, l'entrepreneur exploitait une ferme laitière comptant une cinquantaine de têtes.

Il s'est ensuite tourné vers l'élevage de veau de lait et veau de grain. Il était le plus important éleveur indépendant du Québec (avec un cheptel de 6000 veaux) jusqu'à ce qu'un concurrent achète son entreprise à fort prix à la fin des années 90. «Je dérangeais beaucoup de monde. Et on a voulu me faire taire en m'achetant», dit Eduardo Estrela.

L'homme d'affaires s'est par la suite intéressé à la caille au début des années 2000 avec les résultats que l'on connaît. Il a mis la main sur un vieux couvoir abandonné sur le 4e Rang à Sainte-Hélène-de-Bagot et en a fait une petite mine d'or.