Éric Wazana est un homme très ambitieux. Ce fabricant montréalais de jeans se donne 25 ans pour supplanter Levi's et ainsi devenir le numéro un mondial des pantalons en denim. Dans la foulée, le président de Second Denim Co. souhaite de nouveau faire du Québec une plaque tournante du jean.

L'homme d'affaires de 39 ans rappelle que la Belle Province a connu son âge d'or du jean il n'y a pas si longtemps. À la fin des années 80, dit-il, les Levi's, Gap et autres Tommy Hilfiger confectionnaient une bonne partie de leurs vêtements en denim ici même au Québec. Mais tous ces géants ont déménagé leurs activités dans les pays émergents.

 

«Vous savez, je pourrais être millionnaire demain matin si je décidais de faire appel à des sous-traitants ailleurs dans le monde. Mais ce n'est pas notre philosophie. Tous nos produits sont fabriqués au Québec. Et ça ne changera jamais. Je crois même qu'il va y avoir un retour vers la production locale», prédit Éric Wazana.

Bien sûr, l'homme d'affaires, dont l'entreprise Second Denim Co. célèbre cette année ses 10 ans, part de loin. Ses ventes de jeans se chiffrent en centaines de milliers d'unités au Canada, aux États-Unis et un peu partout sur le globe (France, Dubaï, Japon, etc.), alors que Levi's vend des millions et des millions de ses célèbres pantalons en denim.

Faire sa marque

N'empêche, Éric Wazana arrive bille en tête avec la ferme intention de faire sa marque. Après une décennie d'existence, le nom de Second commence à être bien connu. Plusieurs stars hollywoodiennes connaissent (et portent) les produits fabriqués dans la Belle Province, affirme le jeune entrepreneur.

Actuellement, Second offre deux collections pour femmes: le Second Vintage, jean au «look relax», dixit Éric Wazana, qui se détaille entre 120$ et 160$. La PME commercialise aussi, et c'est là son produit vedette, le Yoga Jeans. Vendu entre 110$ et 140$, il s'agit ni plus ni plus moins, selon M. Wazana, du jean «le plus confortable du monde». Il a «le sex-appeal d'un jean, mais le confort d'un legging», explique le président de Second Denim Co.

La PME planche actuellement sur un «ecojean» qui sera entre autres composé de fibres écologiques et sur lequel ne seront utilisés que des produits de nettoyage comportant des enzymes naturelles. L'entreprise y travaille depuis trois ans. Il se pourrait que la collection ecojean soit également destinée aux hommes.

Le fabricant produit des centaines de milliers de jeans annuellement. Éric Wazana préfère en taire la quantité exacte. Tout comme le chiffre d'affaires de cette entreprise à capital fermé dont M. Wazana est le principal actionnaire. Le président de la PME est épaulé dans ses activités quotidiennes par ses frères Yacov, également actionnaire, et Alain, nouvellement embauché.

Second Denim Co. emploie près de 20 personnes à son siège social, rue Chabanel, et dit faire travailler près de 180 personnes en sous-traitance, principalement des couturières. On trouve les produits Second dans les boutiques spécialisées, dont Holt Renfew, Roots Canada et Style Exchange.

Un parcours parfois difficile

Depuis 10 ans, Éric Wazana n'a pas toujours eu la vie facile. Originaire d'un milieu très modeste, ce diplômé de HEC Montréal a bourlingué à droite et à gauche, surtout dans le commerce de détail, avant de fonder sa propre entreprise. «J'ai été propriétaire de boutiques de vêtements en Floride et je voyais que les gens étaient toujours obligés de faire un compromis: pour avoir un bon jean, il fallait payer très cher. Je me suis dit que j'allais créer un produit de qualité, mais à un juste prix», dit-il.

Les 13 premiers modèles de jeans qu'Éric Wazana a confectionné dans son sous-sol avec l'aide de sa mère Ruth, couturière maintenant retraitée, ont connu un succès retentissant lors d'un premier salon de la mode à New York. La PME était en orbite.

Mais, lors d'un séjour en Europe il y a environ cinq ans, le chef d'entreprise a constaté que le jean rigide (non extensible) était très en vogue. «J'ai tout misé sur ce type de jean en revenant à Montréal, même si mes clients ont sourcillé. Ils m'ont fait confiance et ont acheté toute ma production. Ça a été la pire erreur de ma vie. Ça n'a pas fonctionné. Heureusement, mes fournisseurs et mes clients m'ont aidé. Je viens tout juste de finir de payer mes dernières dettes», relate Éric Wazana.

Puis, au cours des dernières années, Éric Wazana a eu une révélation au cours d'une réunion d'équipe: pourquoi ne pas créer un jean-yoga? «Ça a été ma renaissance, l'une des plus belles choses qui me soient arrivées», dit-il avec enthousiasme.