Cela fait des années que Portes Lemieux exporte plus de 90% de ses produits aux États-Unis. Étonnamment, le chiffre d'affaires de cette PME de Windsor, près de Sherbrooke, n'a diminué au final que de 3% ou 4% depuis 2006, année où le secteur de la construction a sérieusement commencé à battre de l'aile au pays de l'Oncle Sam.

Comment une entreprise québécoise spécialisée dans la fabrication de portes haut de gamme a-t-elle réussi un tel exploit? En prenant des risques et en cherchant constamment à améliorer ses façons de faire.

Si elle s'était contentée de fabriquer des portes haut de gamme et hors standard, Portes Lemieux serait probablement aujourd'hui à l'agonie. Mais les dirigeants de l'entreprise ont eu le génie d'améliorer leur productivité, mais aussi de commencer à importer des portes et des composantes, notamment du Brésil, d'Indonésie et de Chine.

Et, question de se rendre encore plus attrayante dans ses programmes d'importation, la PME de 225 employés gère les stocks de même que le cash flow de ses clients. Un pari risqué qui a jusqu'à maintenant très bien servi l'entreprise des Cantons-de-l'Est. Les importations représentent environ 35% des revenus de la PME. À court terme, elles devraient atteindre 50%.

Portes Lemieux dessert des centaines de points de vente aux États-Unis et au Canada. Pas seulement avec des portes importées de dimensions standard, mais également avec des portes hors standard qu'elle fabrique ici et qu'elle expédie en un temps record n'importe où dans les deux pays. Dans ses installations de Windsor, elle produit près de 2000 portes par jour à partir de composantes qui lui viennent de partout dans le monde.

«Nous sommes capables de livrer une porte dans n'importe quel État américain ou n'importe quelle province canadienne dans un délai de deux semaines. Nous sommes les plus rapides sur le marché», explique Mario Aubé, directeur général et actionnaire.

Le chiffre d'affaires de Portes Lemieux oscille autour de 45 millions de dollars. Même si la PME a dû faire des mises à pied entre 2006 et 2010 (passant au pire de la crise, de 225 à 175 employés), elle affirme avoir réussi à toujours maintenir sa rentabilité. Depuis le printemps dernier, elle fonctionne de nouveau à plein régime. Et elle ne compte pas rester les bras croisés.

«Il y a eu un gros boom ce printemps aux États-Unis. Et malgré plusieurs nouvelles embauches, nous avons été capables d'honorer tous nos délais de livraison. Tout le monde était très fatigué. Heureusement, nous profitons actuellement d'une petite accalmie. Cela va nous permettre de nous préparer à la prochaine vague», dit Mario Aubé.

Le tiers-monde

Portes Lemieux a pris son envol au début des années 1980 lorsque Bernard Gervais, aujourd'hui président et actionnaire, en est devenu propriétaire à la suite d'une faillite des anciens propriétaires, la famille Lemieux. La PME ne comptait plus alors que cinq employés. À l'époque, M. Gervais, un ancien entrepreneur en construction, a développé de nouvelles méthodes pour la fabrication de portes françaises. Des méthodes qui ont carrément révolutionné le temps de fabrication et donc le prix de revient.

Malheureusement, l'âge d'or de Portes Lemieux allait connaître une fin momentanée. Aux prises avec de mauvaises créances, Bernard Gervais a dû à son tour déclarer faillite. Mais un Américain l'a illico financé, et l'homme d'affaires québécois est reparti de plus belle. Il n'a cessé de réinvestir ses bénéfices dans l'entreprise. Si bien que la PME est actuellement en très bonne santé financière, dit Mario Aubé.

«Il n'y avait ni Chine, ni Brésil dans les années 1980 et jusqu'au milieu des années 1990. Le Québec était le tiers-monde pour les États-Unis. Ça nous prenait sept minutes pour fabriquer une porte. Nous étions 50% moins chers qu'une porte fabriquée aux États-Unis», relate M. Aubé, qui a joint la PME en 1994 après quatre ans d'études en administration au sud de la frontière.

Aujourd'hui, grâce aux importations et à la plus-value apportée par le biais de ses produits sur mesure, Portes Lemieux jouit plus que jamais d'une excellente réputation, affirme M. Aubé. Dans son catalogue, la PME offre près de 1000 modèles différents de portes qui se déclinent en 17 essences de bois.

L'actionnariat de Portes Lemieux est composé de Bernard Gervais (33%), Mario Aubé (33%) et d'une poignée d'employés clés (33%). «C'est le modèle idéal, croit Bernard Gervais. Ça permet en même temps de mettre en place un plan de relève.»