En 2003, à la demande du documentariste Jean-Claude Labrecque, le couple Mylène Girard et Charles Vallières a fabriqué dans son sous-sol un prototype de support à caméra composé notamment de morceaux de plomberie. Aujourd'hui, leur entreprise Shape WLB vend son matériel cinématographique haut de gamme aux quatre coins de la planète. Les deux jeunes entrepreneurs ont su profiter des réseaux sociaux pour faire mousser leur PME et, sous des allures un peu bohèmes, sont devenus de redoutables gens d'affaires.

En à peine quelques années, l'entreprise de Saint-Hubert est devenue un joueur mondial. Pas tant par la quantité de produits vendus sous la marque Shape, mais davantage par le nombre d'endroits différents où elle a fait sa marque. «Via notre site web, nous recevons des demandes de partout. Je pense qu'il n'y a qu'en Afrique Centrale où on ne s'est pas encore intéressé à nous», explique Mylène Girard.

Shape WLB se présente comme un fabricant de matériel cinématographique. La PME de 10 employés compte six lignes de produits, dont la vedette demeure le support-épaule pour caméras. L'entreprise fabrique également des supports à ventouse (qu'on peut installer n'importe où), de même que des chariots et des rails utilisés dans les travellings.

L'entreprise compte des distributeurs partout au Canada, mais également en Europe et jusqu'en Israël. La PME multiplie les ententes de distribution. Surtout depuis sa participation à la foire commerciale NAB de Las Vegas le printemps dernier. Ses ventes en Asie et ailleurs sur le globe sont effectuées par le biais de son site transactionnel. Au cours des prochaines semaines, Shape fera son entrée chez B&H de New York, sans doute le plus gros magasin de matériel photographique au monde.

Depuis 2007, année où Mylène Girard et son amoureux Charles Vallières ont fondé l'entreprise, le chiffre d'affaires de Shape WLB (que Mme Girard préfère taire) a été multiplié par 30. Et d'ici la fin de l'année, les deux actionnaires de la PME prévoient à nouveau doubler leurs ventes.

Vive les 35 mm!

Parfois, en affaires, le hasard fait bien les choses. La venue sur le marché d'appareils photos numériques réflexes (ou SLR), qui permettent de faire de la vidéo HD, a été une bénédiction pour la marque Shape. «Ça génère aujourd'hui 85% de notre chiffre d'affaires», dit Charles Vallières.

Mais il n'y a pas que les 35 mm qui ont aidé Shape à devenir une marque internationale. L'internet et les réseaux sociaux y ont contribué. «Au début, on vendait chacun de nos prototypes sur eBay afin de financer la fabrication d'autres produits. On est également devenus très actifs sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. On s'est toutefois rendu compte que l'internet peut être une arme à double tranchant. C'est pourquoi tous les jours, nous faisons le tour du web afin de voir ce qui se dit sur nous et on rectifie les informations quand c'est nécessaire», explique M. Vallières.

Shape a dû entre autres intervenir quand des internautes se sont interrogés sur le prix des produits de la PME. «Nous sommes presque 30% moins chers que nos concurrents - principalement des Américains. Et pour certains, cela laissait présager des produits de moins bonne qualité. Ce qui est tout à fait le contraire. Nous offrons un produit niché haut de gamme. Nous avons même fait breveter certaines de nos composantes», affirme, non sans fierté, Charles Vallières.

Tous les deux âgés de 35 ans, Mylène Girard et Charles Vallières ont bossé une quinzaine d'années sur les plateaux de tournage. Elle, comme assistante à la caméra; lui, affecté à la construction de décor. En 2003, alors qu'elle travaillait aux côtés de Jean-Claude Labrecque sur le tournage du documentaire À hauteur d'homme, Mylène Girard a été invitée à littéralement inventer un support à caméra.

«Bernard Landry avait accepté que nous le suivions pendant sa campagne électorale pourvu qu'on ne prenne pas trop de place. Jean-Claude travaillait donc avec un petit format de caméra, qui demeurait néanmoins difficile à manipuler pendant de longues heures. Il m'a demandé de lui fabriquer quelque chose pour remédier à la situation», relate Mylène Girard qui venait tout juste de faire la connaissance de Charles Vallières à l'époque.

Le couple a donc livré un prototype de ce qui allait faire sa gloire. D'autres commandes ont aussitôt suivi de l'ONF, ainsi que d'une flopée de maisons de production. Tout en améliorant leur art, les deux amoureux ont fondé une famille. Ils ont eu trois enfants coup sur coup. D'ailleurs, le «WLB» dans la raison sociale de la PME signifie littéralement William, Léa et Bianca, le prénom des trois enfants du couple d'entrepreneurs.

«On a écrit notre plan d'affaires durant nos congés parentaux. Le fait d'être pigistes nous a également permis de fonder l'entreprise tranquillement. À tour de rôle, nous acceptions des contrats. Pendant que Mylène travaillait, je restais à la maison avec les enfants. Et vice-versa», dit Charles Vallières.