Dans le monde québécois de l'agriculture, Jean Fontaine doit être considéré comme un excentrique.

L'entrepreneur a fait aménager un immense vignoble derrière son entreprise Jefo, située le long de l'autoroute 20, à la hauteur de Saint-Hyacinthe. On y trouve également un somptueux château devant lequel un terrain gazonné d'un demi-kilomètre permet à M. Fontaine de pratiquer son élan de golf. Ce qui frappe surtout, c'est qu'avant de mourir, ce père de sept enfants ne souhaite rien de moins qu'enregistrer un chiffre d'affaires de 1 milliard de dollars.

Le président et fondateur de Jefo, une PME spécialisée dans les additifs de performance non médicamenteux destinés à la nutrition animale, est persuadé d'atteindre son objectif. Selon Jean Fontaine, il est d'ailleurs temps d'enterrer une fois pour toutes les vieux réflexes judéo-chrétiens face à la richesse. «Il n'y a pas de honte à faire de l'argent. J'ai prospéré en aidant les autres à économiser», lance ce self-made-man.

Jean Fontaine, 51 ans et agronome de formation, a passé les derniers mois à refaire l'image de son entreprise. Il a fait appel, à grands frais, dit-il, à des spécialistes en marketing et en stratégie de marque. Son but: uniformiser l'image de Jefo afin d'en faire un joueur encore plus crédible sur le marché mondial. Désormais, toutes les filiales de la PME (Jefo Technologies, Jefo India, etc.) porteront le nom de Jefo.

L'entreprise de 150 employés, dont 100 travaillent à Saint-Hyacinthe et ailleurs en Montérégie, est déjà connue sur les cinq continents. Jefo est présente dans plus de 56 pays où elle vend ses produits de spécialité, notamment des acides organiques, des huiles essentielles et des vitamines dotées d'un enrobage spécial. Ce même enrobage permet de libérer les nutriments sur une période calculée selon l'espèce animale.

C'est d'ailleurs ce qui différencie Jefo de la concurrence, fait remarquer Jean Fontaine. Le slogan de cette PME est justement: des additifs pour chaque espèce. «Chaque animal est différent et ne digère pas les aliments de la même façon. Notre technologie d'enrobage se base là-dessus», explique-t-il.

L'entreprise, dont les ventes atteignent les 150 millions, fait également office de grossiste; elle importe environ 175 ingrédients de base (potassium, bicarbonate, etc.) des quatre coins du monde pour ensuite les revendre à des agriculteurs et à des fabricants de nourriture pour les bovidés, les porcs et la volaille.

Jefo réalise 80% de son chiffre d'affaires au Canada, principalement en vendant ses ingrédients de base. Les derniers 20% proviennent de la vente des produits de spécialité, c'est-à-dire les nutriments enrobés, sur les cinq continents. L'objectif de Jean Fontaine est de tirer 99% de ses revenus de l'étranger. Vendre des ingrédients, c'est bien; mais vendre un produit à valeur ajoutée, c'est encore mieux, car la marge bénéficiaire est plus élevée, dit-il.

La PME de Saint-Hyacinthe compte cinq centres de recherche où travaillent pas moins de 20 agronomes et un vétérinaire. Ces mêmes professionnels en santé animale se partagent une partie de l'actionnariat (moins de 10%) de l'entreprise, dont Jean Fontaine demeure le principal actionnaire.

Ce bourreau de travail ne dort que quatre heures par nuit. L'une de ses activités préférées quand le Québecois moyen dort encore: communiquer par vidéoconférence avec ses clients à l'autre bout du monde.

Étonnamment, le marché des États-Unis ne représente que 2% des revenus de Jefo. Pour y remédier, Jean Fontaine prépare une offensive chez nos voisins du Sud. Il se fera un plaisir de recevoir des clients américains sur son vignoble et à sa résidence de prestige. «Ils vont voir que je suis une entreprise sérieuse, bien établie. Je ne suis pas gêné par mon succès», souligne l'homme d'affaires.

Jean Fontaine est heureux que deux de ses sept enfants - Émilie et Jean-François - se soient joints à l'entreprise. «Ma relève est assurée; je n'ai donc aucun intérêt à vendre l'entreprise», explique celui qui est très régulièrement courtisé par des acheteurs potentiels.

Avant de fonder Jefo en 1982, Jean Fontaine a été acheteur, vendeur et même... motivateur pour le compte d'une PME travaillant dans le domaine agricole. «Je me suis rendu compte que tout le monde s'approvisionnait chez les Américains. Je me suis tourné vers les Européens et je suis devenu agent manufacturier. Je faisais de l'argent et je faisais économiser mes clients», dit-il.

En 1992, Jefo a commencé à concevoir ses propres produits, ce qui lui a ouvert la porte aux exportations. Depuis, l'entreprise connaît une croissance presque ininterrompue et espère, à moyen terme, atteindre 1 milliard de dollars de vente justement par l'entremise des exportations.