Après avoir vécu deux épisodes houleux qui ont failli entraîner la chute de son entreprise, Felipe Gallon goûte enfin au succès. Le président de Solo Fruit, PME spécialisée dans la fabrication de sorbets naturels à base de fruits, vient de gagner le Grand Prix Tendances et Innovations au SIAL de Montréal, en avril. Gonflé à bloc, l'entrepreneur de 35 ans prépare une première incursion aux États-Unis et rêve même d'exporter ses sorbets haut de gamme sur le Vieux Continent.

Remporter les honneurs au SIAL n'a fait que confirmer ce que Felipe Gallon savait déjà: Solo Fruit fabrique un produit novateur d'une très grande qualité, dit-il sans aucune prétention.

La PME de 15 employés produit dans son usine de Ville Mont-Royal un sorbet qui ne contient que des fruits (sous forme de purée ou de jus) et donc pas de sucres raffinés, ni de sirop, ni d'ingrédients artificiels. «C'est un produit unique qui a la texture d'une crème glacée. Ça a été tout un défi technologique», dit Felipe Gallon, 35 ans, fondateur, directeur et actionnaire de Solo Fruit.

En occupant un secteur de niche aussi précis, l'entrepreneur affirme pouvoir prendre sa place dans le marché, notamment contre des géants comme Nestlé. «Nous sommes petits, mais notre production est industrielle», dit-il. La production mensuelle de Solo Fruit avoisine les 25 000 litres de sorbets, lesquels se déclinent en 13 saveurs, dont 8 sont biologiques et équitables. Les ventes de l'entreprise, que Felipe Gallon préfère taire, se situent «entre 1 et 5 millions», dit-il.

Les produits de Solo Fruit sont offerts au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, principalement dans les supermarchés Metro et Sobeys, de même que dans les Costco. L'entreprise dessert également certains bars laitiers, de même que des restaurants pour lesquels elle prépare des sorbets à l'alcool.

La PME est actuellement en pourparlers avec des distributeurs et des chaînes d'aliments naturels aux États-Unis. Si tout va bien, Felipe Gallon espère pénétrer le marché américain d'ici un an. La récompense du SIAL devrait accélérer les choses, croit-il.

Passion des fruits

Felipe Gallon s'intéresse aux fruits depuis presque 20 ans. Ce Colombien d'origine a découvert le potentiel d'exportation des fruits exotiques alors qu'il était guide touristique à Bogota. «J'amenais les touristes dans les marchés publics et je leur faisais goûter à différentes choses. Tout le monde me disait: pourquoi n'avons-nous pas ces fruits-là chez nous?» explique-t-il dans un français impeccable.

C'est ainsi qu'après des études universitaires en Colombie, Felipe Gallon a choisi, en 1998, de venir faire ses études en entrepreneuriat à HEC Montréal, avec la ferme intention de demeurer au Québec et d'y fonder une entreprise spécialisée dans la transformation de la purée de fruits.

En 2000, avec l'aide de quelques actionnaires silencieux, il fonde Caribbean Juice et commercialise trois jus à haute teneur vitaminique. «Mais après six mois, plusieurs consommateurs qui n'étaient pas habitués à prendre autant de vitamines ont ressenti des malaises. J'ai dû tout arrêter et repartir presque à zéro», explique Felipe Gallon.

En 2001, la PME se tourne vers les sorbets et amorce une période de forte croissance. En 2005, Caribbean Juice est retenue pour fabriquer le sorbet de marque privée pour la chaîne de supermarchés Metro. En 2008, Metro remporte un prix national pour la qualité de son sorbet devant des concurrents de tout le pays.

La même année, la flambée des prix de certains fruits fait mal à l'entreprise. «Le prix des framboises a été multiplié par cinq. Nous avions d'importantes commandes de sorbets à honorer et nous avons fait des ventes à perte. Nous avons eu un important manque de liquidités», rappelle Felipe Gallon, qui a illico trouvé d'autres partenaires pour mieux repartir sous le nom de Solo Fruit.

Malgré une maîtrise absolue de son produit et une notoriété grandissante dans le milieu agroalimentaire, Felipe Gallon doit maintenant relever un autre défi, et non le moindre: celui de faire connaître le sorbet à un plus grand nombre de consommateurs qui, selon lui, s'en remettent encore trop souvent à la crème glacée.