Angel Vazquez Jr a une foi inébranlable. Malgré des pertes de revenus de l'ordre de 30% depuis trois ans, une concurrence plus forte que jamais et une main-d'oeuvre de moins en moins disponible, le vice-président de la PME Ateliers d'Usinage Tracy va de l'avant avec un agrandissement de 3 millions de dollars de ses installations à Sorel-Tracy.

M. Vazquez est persuadé que le jeu en vaut la chandelle. Il est d'avis que sa PME sera mieux positionnée pour faire la barbe à ses concurrents et, ultimement, attirer de nouveaux talents. Il se donne deux ans pour rattraper les revenus perdus, lesquels dépassent largement le million de dollars.

Ateliers d'Usinage Tracy se spécialise dans l'usinage de précision, la fabrication métallique et l'assemblage mécanique. Elle dessert entre autres les secteurs de l'aérospatiale, de l'industrie lourde et plus récemment du militaire. La PME de 30 employés travaille pour les grands donneurs d'ordre: Pratt & Whitney, G.E., Voith et autres Alstom. Elle produit des pièces ou des ensembles d'équipements dont le poids varie de quelques dizaines de kilogrammes à plusieurs tonnes.

Les travaux d'agrandissement (dont près de la moitié des coûts est financée par des prêts remboursables gracieuseté des deux paliers de gouvernement) permettront à l'entreprise de presque doubler la superficie de ses installations, mais surtout de produire de plus grosses pièces. La PME veut ainsi offrir à ses clients des services «clés en main».

«Les donneurs d'ordre cherchent de plus en plus à réduire leur nombre de fournisseurs. Elles optent pour des packages. C'est plus facile pour eux de travailler avec un fournisseur qu'avec 20 fournisseurs différents. On a donc décidé de se positionner», explique Angel Vazquez Jr, ingénieur mécanique de formation.

Selon lui, la concurrence entre les ateliers d'usinage est plus féroce que jamais. «Depuis 10 ans, l'accès au crédit a été très facile. Plusieurs ateliers d'usinage ont donc vu le jour. Un grand nombre d'entre eux ne misent pas sur la qualité, mais plutôt sur une guerre des prix. Ce n'est pas rentable à long terme pour ces ateliers, mais ça vient quand même nous couper l'herbe sous le pied. Et là, je parle uniquement de la concurrence locale. De plus en plus de produits usinés viennent du Brésil, du Mexique ou même de la Chine», fait remarquer Angel Vazquez.

Quant à la main-d'oeuvre, l'entrepreneur cache mal ses inquiétudes. Même si elle a dû écrémer ses effectifs (notamment dans l'administration) dans les dernières années, la PME sera en mode embauche au cours des prochains mois. Sept nouveaux postes devraient être créés. Trouver des mécaniciens et des machinistes qualifiés relève désormais de l'exploit, dit celui qui préfère taire son chiffre d'affaires.

«Pour une raison que j'ignore, les gens de Montréal ne veulent pas venir travailler à Sorel. Pourtant, nous offrons de très bons salaires (près de 30$ l'heure pour un machiniste). La solution: nous allons continuer à former des jeunes au sein de l'entreprise et nous allons sûrement nous tourner vers l'étranger pour le recrutement», explique le vice-président de la PME à capital fermé.

Mais ce genre d'opération charme n'a pas donné les résultats escomptés, fulmine Angel Vazquez. Deux machinistes du Costa Rica sont récemment venus travailler au sein de l'entreprise soreloise. «Tout allait bien. Nous voulions leur offrir des contrats de travail de trois à cinq ans. Quand est venu le temps de faire venir leur famille, le gouvernement a dit non en invoquant toutes sortes de raisons. Tout ça pour rien», lance l'homme d'affaires.

Ateliers d'Usinage Tracy a été fondé en 1976 par Angel Vazquez Sr, père de l'actuel vice-président. Le paternel, originaire d'Espagne, a fui le régime de Franco. Sa femme et lui sont arrivés au Québec en 1967 «avec 300$ et deux valises», dit son fils sur un ton admiratif.