Comment réussit-on à vendre des manteaux québécois en Russie, en Mongolie et même aux gondoliers de Venise quand le froid se fait trop mordant dans la ville de l'amour? En offrant bien sûr un produit haut de gamme. Mais Yves Trudeau, président et fondateur du fabricant de manteaux Quartz Nature, mise entre autres sur l'idée qu'on se fait du Canada à l'étranger, c'est-à-dire les vastes territoires et autres cabanes en bois rond. Et ça fonctionne!

Ces jours-ci, Yves Trudeau et sa bande sont à Munich pour participer au très attendu ISPO (International Trade Fair for Sporting Goods and Sports Fashion). Encore une fois, le stand de l'entreprise de Longueuil sera enjolivé de billots de bois. Mais symbole canadien ou pas, Yves Trudeau s'attend à faire de bonnes affaires de l'autre côté de l'Atlantique.

«Avec le froid qu'il a fait en Europe cette année, on va probablement tout vendre. Les gens sont devenus presque paranoïaques par rapport au froid», explique M. Trudeau. Bref, le malheur des uns fait le bonheur des autres, admet-il.

L'image canadienne sur laquelle mise Yves Trudeau ne fait pas l'affaire de tous. Le fait que l'unifolié apparaisse sur certains modèles de manteaux de la PME de six employés en dérange certains, surtout, on le devine, au Québec. «Certains clients m'ont déjà dit: «T'enlèves la feuille d'érable qui est sur la manche ou on n'en achète plus, de tes manteaux»», dit-il, l'air amusé.

Fabriqués au Québec

Quartz Nature fait partie de ces rares entreprises québécoises qui fabriquent encore leurs manteaux ici même au Québec. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Jusqu'en 2005, tous les produits Quartz étaient fabriqués en Asie. «Quand t'es pas assez gros pour être là-bas, ça n'en vaut pas la peine; il y a trop d'inconvénients», explique Yves Trudeau, 60 ans.

Sur les quelque 10 000 manteaux qu'elle vend annuellement, la PME en fait assembler environ 8000 par des sous-traitants québécois, notamment par une coopérative de couture à Batiscan en Mauricie. Les 2000 autres manteaux sont fabriqués en Orient.

Mais tout est dessiné (en partie par Yves Trudeau), créé et pensé au siège social de Quartz Nature à Longueuil. On serait tenté de comparer Quartz Nature à Kanuk, sans doute le fabricant québécois de manteaux le plus connu.

Yves Trudeau affirme être toutefois différent de Kanuk pour la simple et bonne raison qu'il utilise de plus en plus du duvet, plutôt que des matériaux synthétiques, comme isolant dans ses manteaux. Manteaux qui se déclinent en 25 modèles et dont les prix oscillent entre 389$ et 800$.

Depuis 2008, depuis en fait qu'elle a repris le plein contrôle de sa production et qu'elle utilise du duvet, la PME connaît une formidable croissance: 100% en 2008, 50% en 2009 et 30% en 2010, selon les chiffres avancés par Yves Trudeau.

La PME vend 80% des produits haut de gamme au Canada. Les 20% restants trouvent preneurs principalement en Europe et en Asie. Ce ratio convient à Yves Trudeau. Et pas question de tenter sa chance sur le marché américain. «C'est trop compliqué, il y a trop de contraintes», dit le président de Quartz Nature.

Étonnament, Yves Trudeau, diplômé en design industriel, ne se prédestinait pas à une carrière d'entrepreneur et encore moins dans le secteur du textile. «Mes parents faisaient de la confection de vêtements en sous-traitance. Je m'étais dit que jamais je ne travaillerais dans ce domaine-là», dit-il.

Le hasard en a décidé autrement. À la fin de ses études en 1968, Yves Trudeau a fait équipe avec son père. Et de 1976 à 1995, il a été copropriétaire de la PME Hiverna, un fabricant de vêtements de ski situé à Granby. Puis, en 1996, il a vendu ses actions et est reparti seul de son côté avec la marque Quartz Nature.

Les choses vont tellement bien pour la PME que ses installations vont bientôt doubler de superficie (de 6000 à 12 000 pieds carrés). Autre bonne nouvelle: Yves Trudeau aura assurément de la relève. Son fils aîné de 34 ans, qui travaille déjà au sein de l'entreprise, s'est montré très intéressé à prendre le flambeau.

Seule interrogation du paternel: pour les jeunes d'aujourd'hui, la famille semble passer avant l'entreprise. «Dans mon temps, c'était le contraire. Peut-être que nous avons eu tort d'agir ainsi et que ce sont les jeunes qui ont maintenant raison», se questionne Yves Trudeau.