L'entreprise SoSen ne manque pas d'ambition. Par l'entremise de sa gamme de cosmétiques Jouviance, la PME montréalaise veut percer le marché français, véritable fief mondial des produits de beauté. Trop ambitieux comme projet? Tout dépend de la stratégie, croit Nicole Senécal, présidente et cofondatrice de SoSen.

Selon elle, s'attaquer au marché de masse de l'Hexagone serait irréfléchi. À moins de disposer de sommes colossales, se battre contre des géants mondiaux des cosmétiques comme L'Oréal, lequel est propriétaire des célèbres marques Vichy, Biotherm et autres Lancôme, relève de l'impossible. En France seulement, le marché des cosmétiques atteindrait 15 milliards d'euros (23 milliards canadiens).

«Nous cherchons plutôt à recréer le même modèle qui nous a propulsés au Québec, c'est-à-dire en passant par les pharmacies et les bureaux de médecins, et en laissant le bouche à oreille faire son oeuvre. Si nous réussissons à aller chercher une infime partie du marché français, nous serons comblés», expliquent tour à tour Nicole Senécal et son conjoint Roger Southin, vice-président administration et affaires scientifiques.

Le but à long terme de ce couple d'entrepreneurs est de faire de Jouviance une marque reconnue à l'échelle mondiale. La PME mène actuellement des études cliniques en France. Elle cherche également un agent de vente pour le territoire français (et ultimement pour l'ensemble de l'Europe).

SoSen expédie déjà des produits Jouviance, mais de façon marginale, en Angleterre, en Grèce, en Russie. «Il y a vraiment un intérêt pour les produits québécois», affirme Roger Southin, un chimiste qui roule sa bosse dans le pharmaceutique depuis 43 ans.

Qu'ont donc de si particulier les cosmétiques de Jouviance, notamment son produit vedette, la crème anti-âge? «C'est un produit haut de gamme très concentré qui est composé d'ingrédients actifs, dont du peptide, une molécule qui stimule la production de collagène, ce qui rend les rides moins profondes. Un produit de qualité comme le nôtre se vend deux à trois fois plus cher en Europe», explique Nicole Senécal.

La PME de 16 employés est donc très confiante de se mesurer aux géants de ce monde. La PME compte 11 produits dans son catalogue: du nettoyant à 24$ la bouteille à la crème anti-âge vendue 92$ le pot de 50 ml.

On trouve les produits Jouviance dans toutes les grandes chaînes de pharmacies du Québec. La PME réalise 50% de ses ventes au Québec et 50% dans le reste du Canada, principalement en Ontario. Son chiffre d'affaires était de 250 000$ en 2004. Il est maintenant de 3,5 millions. L'objectif est d'atteindre 10 millions d'ici 2012.

Et dire qu'à l'origine, Nicole Senécal et Roger Southin avaient uni leurs efforts dans le simple but de rendre service au Dr Guy Sylvestre, un dermatologue de Montréal. Ce dernier cherchait une crème anti-âge «beaucoup plus performante» que ce qui est actuellement offert sur le marché, précise Nicole Senécal.

En 2003, le couple a tout d'abord déniché un laboratoire où, avec une équipe, il a fait des tests, suivi un protocole d'études, puis trouvé la bonne recette. La production de crème anti-âge était à l'époque d'à peine 100 pots de 50 ml par mois. Le produit était principalement vendu dans les bureaux de dermatologues.

Mais en 2005, Dominique Bertrand, animatrice, ex-mannequin et patiente du Dr Sylvestre, a affirmé sur les ondes d'une radio FM qu'elle avait découvert une crème anti-âge vertueuse. Dès lors, le nom Jouviance était sur toutes les lèvres.

«Tout le monde voulait le produit. Des chaînes de pharmacies nous ont appelé pour pouvoir le vendre. Nous avons dû embaucher quelqu'un simplement pour gérer les appels», se souvient Nicole Senécal qui, avant de faire le saut en affaires, comptait une vingtaine d'années d'expérience en communication dans le domaine pharmaceutique.

La production de la crème anti-âge de Jouviance a décuplé depuis 2005. Le produit vedette de SoSen est encore fabriqué par un sous-traitant québécois, dont Nicole Senécal préfère taire le nom.

Mme Senécal se compare volontiers à un petit vignoble du Nouveau Monde qui offre un produit haut de gamme capable de rivaliser avec ceux du Vieux Continent. Si le phénomène des cosmétiques suit la même tendance qu'en viticulture, les lendemains de Jouviance s'annoncent plutôt heureux.