L'entreprise Genfoot a toujours refusé de voir la mondialisation comme une excuse pour déménager ses activités en Asie. Elle s'en est plutôt inspirée. Le fabricant montréalais de bottes et de chaussures de marques Kamik est la preuve vivante qu'il est possible d'être prospère tout en conservant des emplois en Amérique du Nord.

«Nous n'avons pas conservé nos activités ici juste pour le plaisir, mais bien parce que c'est rentable pour nous. Nous sommes flexibles et nous avons le plein contrôle sur nos produits. Et c'est bon d'un point de vue environnemental: nos produits vendus en Amérique du Nord n'ont pas à parcourir la moitié de la planète avant de parvenir aux consommateurs», explique Richard Cook, président de Genfoot. Fondée en 1898, l'entreprise appartient majoritairement à la famille Cook depuis les années 30.

 

Les fabricants canadiens de chaussures et de bottes qui, comme Genfoot, ont résisté à la tentation de déménager leurs activités en Asie ne courent pas les rues. Dans les années 60, le Canada comptait environ 600 entreprises dans le secteur. Aujourd'hui, elles ne sont plus que 32 d'un océan à l'autre, dont près de la moitié sont au Québec.

«Nous offrons l'un des meilleurs ratios qualité-prix sur le marché. Nous sommes aussi concurrentiels que n'importe qui d'autre dans le monde, à condition bien sûr que les autres fabricants ne trichent pas en faisant du dumping», explique Joe Bichai, vice-président fabrication et actionnaire de la PME.

Bien sûr, la réussite d'une entreprise est le résultat d'un travail d'équipe. La famille Cook y est évidemment pour beaucoup. La troisième génération de Cook dirige actuellement la PME de 500 employés. Ainsi, Richard, Norman, Steve et Catherine Cook se partagent les décisions. Ils consultent régulièrement leur paternel, Gordon, celui qui a toujours cru que Genfoot devait garder ses activités sur le continent.

Vision

Le vice-président Joe Bichai mérite qu'on s'attarde à son cas. Il est notamment responsable de la mise en place des systèmes «just in time» et «Kaizen» au sein de Genfoot. M. Bichai a d'ailleurs séjourné au Japon, où il a étudié au Kaizen Institute. Sa vision des affaires l'a amené à écrire le livre Agir ou périr, publié aux Presses internationales Polytechnique.

Le fabricant des produits Kamik a donc pris les grands moyens pour s'adapter aux réalités de la mondialisation. Il a tout d'abord investi massivement dans les équipements de fabrication de bottes par injection, au point de devenir, soutient la direction, la plus importante entreprise dans le secteur sur le continent. Présente dans une cinquantaine de pays, la PME enregistre des ventes annuelles oscillant entre 50 et 100 millions de dollars. Elle fait concurrence à des multinationales comme The North Face, Columbia, Merrell et autres Timberland.

Par un savant mélange d'innovation, d'automatisation de certaines opérations de fabrication, d'augmentation de productivité et bien sûr de mise en marché, Genfoot tire honorablement son épingle du jeu. La PME québécoise compte trois usines: à Montréal, en Ontario et au New-Hampshire. À cela s'ajoutent trois entrepôts (au Canada et aux États-Unis) de même qu'un bureau de vente en Allemagne.

Genfoot fabrique des centaines de modèles de bottes, de chaussures et de sandales qui se chiffrent annuellement en millions d'unités. Elle fabrique plus de 70% de sa production en Amérique du Nord. L'autre partie, notamment sa collection de sandales et des composantes pour ses bottes, provient d'Asie. Pour demeurer concurrentielle en Amérique, explique Joe Bichai, une entreprise manufacturière, du moins dans l'industrie de la chaussure, ne doit pas consacrer plus de 15% de main-d'oeuvre à un produit.

Le dernier grand coup d'éclat de Genfoot a eu lieu ces deux dernières années avec le lancement d'une botte de pluie à motifs. Cette botte a remporté tellement de succès que même Madonna et sa fille ont été vues et immortalisées par des paparazzis avec des bottes de pluie Genfoot aux pieds. Les ventes de cette gamme de produits ont connu une croissance de 300%.

Sinon, tous produits confondus, la PME connaît une croissance de 5% à 10% depuis de nombreuses années. Elle compte poursuivre ses investissements en équipements (deux millions rien qu'en 2009). Entre autres objectifs, Genfoot souhaite augmenter sa présence en Europe et en Asie, où les produits «made in Canada» sont extrêmement bien perçus.