Le démarrage d'une entreprise exige passion et détermination. Pour que la pâte lève, il faut réunir beaucoup d'ingrédients. La Presse Affaires les abordera à tour de rôle dans le cadre d'une série de dix chroniques hebdomadaires.

Le démarrage d'une entreprise exige passion et détermination. Pour que la pâte lève, il faut réunir beaucoup d'ingrédients. La Presse Affaires les abordera à tour de rôle dans le cadre d'une série de dix chroniques hebdomadaires.

Cette semaine: comment évaluer son idée de départ et déterminer si les objectifs poursuivis sont réalistes?

Patricia Marcotte, 31 ans, savait qu'elle voulait créer une ligne de vêtements branchée pour chiens. Un créneau quasi-vacant au Québec. Pour évaluer le potentiel de son idée, la designer de mode a produit quelques modèles et est allée sur le terrain.

«En promenant mes deux chiens au parc Lafontaine à Montréal, j'arrêtais les gens pour leur parler de mon idée. J'ai même recueilli une cinquantaine de signatures de personnes intéressées», se rappelle l'actuelle présidente de Canis Wear.

Cette démarche a permis à l'entrepreneure de déceler une constante. Tout le monde aimait les imprimés humoristiques qui étaient inscrits sur les vêtements de ses chiens.

«J'ai su que je devais garder ce concept à tout prix», se rappelle Mme Marcotte, qui en fait sa marque de commerce.

Pour valider une idée d'entreprise, il faut sonder ses clients potentiels. Selon Christian Perron, directeur général de la Société de développement économique Ville-Marie (SDEVM), deux questions s'imposent.

«Notre produit ou notre service répond-il à un besoin de nos clients? À l'inverse, ont-ils un problème qu'ils ne parviennent pas à résoudre?»

Trop souvent, les gens se contentent de sonder leurs proches, qui peuvent manquer d'objectivité. Or, tout part du client, estime M. Perron.

Il faut aller aller à sa rencontre, que ce soit dans un centre commercial, une foire marchande, une salle de classe. On peut aussi s'adresser à des acheteurs de grandes surfaces.

Toute idée est bonne, croit pour sa part Michel Fortin, directeur général du Service d'aide aux jeunes entrepreneurs (SAJE) Montréal Métro. «L'individu passe avant l'idée. Chez nous, on valide d'abord le potentiel entrepreneurial de la personne», dit-il.

Bien sûr, on doit se demander si des gens ont besoin de notre produit ou de notre service. «On recommande aux entrepreneurs de faire des sondages ciblés auprès d'acheteurs, à l'aide d'un prototype», souligne M. Fortin.

Risque-t-on de se faire voler son idée, si on la dévoile à des inconnus? «On ne m'a jamais rapporté ce problème», note Christian Perron, qui facilite des démarrages d'entreprise depuis une dizaine d'années.

Paule Tardif, directrice générale du Centre d'entrepreneurship HEC-Poly-UdeM, préconise plutôt la prudence. «Si le concept est très innovateur, il faut garder le secret industriel jusqu'à ce qu'on ait trouvé des gens de confiance», croit-elle.

Il ne faut pas en faire une maladie non plus, car une idée peut être jouée de bien des façons. Chaque entrepreneur apporte sa vision, ses contacts et ses connaissances à un projet, remarque Mme Tardif.

Un autre ne pourrait pas nécessairement reprendre l'idée à son compte, du jour au lendemain.

Comme M. Fortin du SAJE, Mme Tardif s'attache davantage à évaluer le potentiel entrepreneurial de la personne que son idée d'entreprise. «Mieux vaut un bon entrepreneur qu'un bon produit.»

D'ailleurs, les projets issus de la communauté universitaire sont parfois tellement à la fine pointe qu'il est difficile d'évaluer s'ils répondent à un besoin. Des fois, les gens nous parlent de domaines dont on ne soupçonnait même pas l'existence, ajoute Mme Tardif.

La personne doit faire preuve de réalisme. «Quand on reçoit le plan d'affaires, il est facile de séparer les rêveurs des vrais entrepreneurs. J'en vois beaucoup qui flottent dans mon bureau. Mon travail consiste à les ramener doucement sur Terre», signale la directrice.

Tout en restant ancré dans la réalité, les entrepreneurs ne doivent jamais oublier complètement leur rêve de départ, ajoute-t-elle. C'est connu, pour partir une entreprise, il faut avoir la foi.

Le cas de GG Telecom

Les fondateurs de GG Telecom, Sébastien et Yan Gagnon, ne se destinaient pas à une carrière d'entrepreneur.

Ils le sont devenus en répondant à un besoin du beau-père de Yan, qui cherchait un système de sécurité pour son érablière sans électricité courante.

Tout en poursuivant leurs études en génie et en finances, les deux frères ont mis au point un appareil de surveillance camouflable, pouvant prendre des photos de jour et de nuit, déclenché par un détecteur de mouvement.

D'abord appelé Vision, puis Spypoint, ce système portatif à infrarouge a bientôt trouvé d'autres débouchés, notamment auprès des chasseurs désireux de connaître les habitudes du gibier.

Après moins de trois ans d'existence, la compagnie a franchi le cap du million de dollars de vente cette année.

Les entrepreneurs sont constamment à l'affût des besoins de leur clientèle. Par exemple, sur les forums de discussion pour chasseurs, «on leur demande directement ce qu'ils veulent pour 2008 et 2009», note Sébastien Gagnon, qui visite près de 150 détaillants par année.

En février, le duo participera à sa troisième foire mondiale chasse et pêche à Las Vegas. Cette fois-ci, ils seront exposants.

Les questions à se poser

Sur le produit

- Mon produit répond-il à un besoin?

- S'inscrit-il dans une nouvelle tendance de consommation?

- Peut-il être produit à un coût raisonnable?

Sur le marché

- Le marché est-il suffisamment vaste pour justifier un démarrage d'entreprise?

- Le prix que les acheteurs sont prêts à payer dépasse-t-il mes coûts de production?

- Si j'ai des concurrents, comment vont-ils réagir?

Sur soi

- Ai-je les compétences techniques et les connaissances en gestion nécessaires?

- Est-ce un bon moment dans ma vie pour démarrer une entreprise?

- Ai-je l'appui de mon entourage?

Trois conseils à suivre

- S'informer des besoins des acheteurs sur le terrain.

- Évaluer la rentabilité du projet.

- Maîtriser le produit ou le service qu'on veut vendre, notamment s'il comporte des aspects technologiques.

Trois écueils à éviter

- S'intéresser uniquement à ses propres besoins, et non à ceux de la clientèle.

- Croire que le produit va se vendre tout seul.

- Refuser de voir ses lacunes et de s'associer à des personnes ayant les compétences qui nous manquent.