Chaque lundi, La Presse invite un professionnel du secteur des placements à discuter de ses principales préoccupations envers l'économie et les marchés financiers. Notre invité cette semaine : Alain Bergeron, vice-président principal et chef de la répartition d'actif et de la supervision de risque de portefeuilles chez Placements Mackenzie. Cette firme de fonds d'investissement, qui gère 65 milliards de dollars en actifs financiers, est affiliée à la Société financière IGM (Investors), elle-même contrôlée par la Corporation Financière Power.

Au lendemain de la pire semaine en Bourse depuis deux ans, qu'est-ce qui vous a interpellé le plus dans ce tumulte ?

D'emblée, je n'ai pas été surpris par cette correction. Parce qu'elle était très attendue dans les marchés boursiers, aux États-Unis surtout, après un élan haussier depuis quelques trimestres.

Ce qui m'a surpris, c'est l'ampleur de la volatilité des marchés au jour le jour.

Bien sûr, il fallait s'attendre au retour de la volatilité après une période anormalement longue - plus d'un an - de calme relatif sur la Bourse américaine, avec un élan haussier presque sans précédent.

N'empêche, l'ampleur de la volatilité quotidienne ces derniers jours se comparait aux épisodes survenus lors de la crise de dette publique en Europe (2010-2011) et de la crise financière de 2008.

Pourtant, ces temps-ci, les fondamentaux et les perspectives de l'économie mondiale et des marchés financiers sont beaucoup plus favorables qu'ils ne l'étaient lors de ces deux crises antérieures.

Aussi, le déclencheur de ce nouveau choc de volatilité, soit l'annonce le vendredi 2 février de hausses salariales aux États-Unis un peu plus élevées que prévu, était relativement mineur et prévisible à cette étape-ci d'un cycle économique avancé.

Bref, ce constat de volatilité exagérée des derniers jours, au-delà de la correction attendue, rappelle que des facteurs techniques à très court terme sont de plus en plus influents en Bourse, comme des produits dérivés ou des fonds d'investissement en rebalancement automatisé.

Pour les investisseurs, c'est un rappel à se méfier de réactions trop émotives aux sursauts de volatilité en Bourse et de garder le cap sur les objectifs de placement à moyen terme.

À quoi s'attendre, maintenant ?

Ce nouvel épisode de volatilité pourrait durer quelques semaines, à mon avis.

Pour nombre d'investisseurs, c'est aussi un rappel à leur niveau de tolérance envers la volatilité inhérente en Bourse. Ce que plusieurs avaient un peu perdu de vue lors de cette période anormalement longue de marché haussier sans repli habituel.

Cela dit, chez Placements Mackenzie, la majorité de nos modèles de gestion de portefeuille et de répartition d'actifs suggèrent de rester positif envers les perspectives de rendement sur les marchés financiers.

Ainsi, nous demeurons surpondérés en actions (par rapport aux obligations) comme nous le sommes depuis la fin de l'été 2016. Mais depuis quelques mois, notre conviction favorable aux actions a diminué, et notre surpondération a été réduite de moitié environ.

Dans l'immédiat, avec la correction des derniers jours, nos processus de rebalancement quotidien de portefeuilles ont profité d'occasions d'achat à meilleur prix de certains titres présélectionnés.

Nous demeurons très sélectifs parce que selon nos modèles d'analyse, les actions dans leur ensemble sont encore un peu chères par rapport au potentiel de rendement à moyen terme.

En contrepartie, les actions demeurent moins chères que les obligations négociables, qui sont à risque de dépréciation lors des prochaines étapes de la remontée des taux d'intérêt.

Des préférences parmi les marchés ?

Dans la répartition de nos portefeuilles d'actions, nous continuons de favoriser les marchés boursiers des pays d'économie émergente. Leur potentiel de valorisation additionnelle à moyen terme est plus attrayant, en dépit d'un risque plus élevé de volatilité.

Parmi les économies développées, nous préférons les marchés boursiers d'Europe et du Japon à cette étape-ci du cycle économique et boursier. Nous les préférons aussi à la Bourse américaine, qui a déjà fait le plein de valeur.

Quant à la Bourse canadienne, c'est la moins attrayante en raison de divers facteurs défavorables qui émergent dans l'économie canadienne à moyen terme et qui continueront d'affecter les secteurs dominants de la Bourse canadienne.

Photo fournie par Placements Mackenzie

Alain Bergeron, vice-président principal et chef de la répartition d'actif chez Placements Mackenzie