Les robots, tous coupables? Le vent de panique qui a soufflé de Wall Street jusqu'aux autres Bourses mondiales fait resurgir le spectre d'ordinateurs surpuissants aux commandes des marchés, mais les analystes ne s'accordent pas sur la responsabilité réelle des algorithmes.

Le Dow Jones qui chute de 4% lundi, la Bourse de Tokyo prenant le même chemin le lendemain, suivie des marchés européens... L'extrême nervosité qui s'est emparée des indices actions à travers le monde s'est répandue rapidement et n'a épargné aucune place dans les économies développées.

Il n'en fallait pas plus pour relancer le débat sur le rôle croissant des algorithmes dans le monde de la finance.

Concrètement, il s'agit de programmes informatiques mis en place par les opérateurs pour passer des ordres automatiques d'achats ou de ventes, une fois dépassés certains seuils techniques fixés préalablement.

Pour Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Banque, après la baisse du marché américain lundi, ces algorithmes ont «pris le relais, avec automatiquement des mouvements de très grande ampleur.»

Loin de constituer un bloc uniforme, ces programmes sont divers.

Certains sont des suiveurs de tendance. «Quand les marchés d'actions ont commencé à corriger la semaine dernière, pas mal d'opérateurs sont passés (automatiquement) à la vente et ont changé leur position "acheteuse" à "vendeuse"», explique à l'AFP Guido Bolliger, responsable adjoint des solutions quantitatives pour SYZ AM.

Contrecoup de la hausse

L'autre grande famille regroupe des fonds d'investissement, également gérés par des algorithmes, et dotés parfois d'effets de levier, c'est-à-dire d'effets multiplicateurs.

«Ces fonds ont une limite de risque prédéfini: une fois cette limite de risque atteinte, on commence à vendre (...). La problématique cette fois-ci a été exacerbée, car on a vécu une année avec une volatilité très faible», souligne M. Bolliger.

En d'autres termes, au sortir d'une période de hausse continue et sans accroc des Bourses, comme celle connue pendant l'année 2017, la tolérance au risque est très faible. Les ordinateurs sont donc programmés pour vendre à la moindre secousse, ou presque.

Enfin, il faut noter la place croissante des fonds indiciels dits «ETF», des produits financiers utilisés pour reproduire par exemple la performance d'un indice boursier, et parfois pour la démultiplier.

Un tel produit peut être programmé pour parier sur l'évolution du CAC40, et pour l'amplifier. Une bonne affaire si l'indice phare de la Bourse de Paris grimpe, mais une dégringolade accélérée s'il chute...

Néanmoins, les analystes interrogés s'accordent pour dire que les turbulences récentes n'ont rien à voir avec le krach éclair qui avait eu lieu à Wall Street en mai 2010.

L'indice Dow Jones s'était écroulé de 600 points en quelques minutes, avant de rebondir. Les ordinateurs avaient été pointés du doigt, en particulier les machines ultra-puissantes pratiquant le «trading à haute fréquence», capables de vendre et d'acheter dans des délais se mesurant en microsecondes.

Pour Alexandre Baradez, analyste chez IG France, «les algorithmes amènent les marchés à aller plus vite d'un point A à un point B», sans pour autant générer des mouvements d'amplitude plus importante.

«Ce sont des accélérateurs de mouvement, mais les niveaux historiques et toutes les figures graphiques sont respectés, cela ne dénature pas l'analyse», poursuit-il, rappelant que les algorithmes sont programmés par des humains.

Surtout, les économistes s'accordent pour pointer du doigt un élément déclencheur qui n'a rien à voir avec les ordinateurs.

À les croire, les marchés ont dérapé cette semaine en raison d'inquiétudes sur un durcissement monétaire plus rapide que prévu, après dix années de largesses de la part des banques centrales.

«Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'on sort d'une période anormale en termes de volatilité très basse. Cela a poussé les gens à prendre plus de risques», remarque M. Bolliger.

Une prise de risques non pas décidée par des robots, mais par des humains, et qui se paie parfois cher sur les places financières.