La volatilité extrême du bitcoin et de plusieurs autres monnaies virtuelles n'impressionne pas les spécialistes consultés par La Presse.

La valeur du bitcoin a de nouveau reculé, hier, pour passer sous la barre des 7000 $US en cours de journée, une chute supérieure à 60 % depuis le sommet atteint en décembre.

« On est habitués à la fluctuation. Il y a eu six replis du genre [de 30 % ou plus] depuis le milieu de 2016 », lance Jonathan Hamel, président de l'Académie Bitcoin, une firme de consultation centrée sur les technologies de la chaîne de blocs.

« Sur un an, le bitcoin est encore en hausse de plus de 700 %, ce qui en fait de loin la classe d'actifs la plus performante », précise celui qui est aussi chercheur associé à l'Institut économique de Montréal pour tout ce qui concerne les impacts économiques de la chaîne de blocs et des cryptomonnaies.

Il y a quelques années, le bitcoin était passé de 1000 $ à 70 $ pour se stabiliser entre 200 et 400 $ avant de recommencer à monter jusqu'à 20 000 $, souligne de son côté Martin Lalonde, président et gestionnaire de portefeuille de la firme Rivemont, de Gatineau.

« Ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire pour ce type d'actif, ce qui se passe présentement », ajoute celui qui a récemment créé un fonds de cryptomonnaies.

« Le bitcoin et les autres cryptomonnaies demeurent des actifs énormément volatils et c'est ce qui permet d'avoir des rendements aussi élevés. »

- Martin Lalonde, de la firme Rivemont

L'envers de la médaille est que cette volatilité amène aussi des périodes plus difficiles. « Tu ne peux pas avoir un rendement espéré plus élevé sans avoir une volatilité plus élevée. C'est normal après une poussée de fous comme on a eu de voir des vendeurs prendre des profits », affirme Martin Lalonde.

Selon lui, il faut être à l'aise avec ce contexte, sans quoi ce n'est pas un actif qu'un investisseur devrait avoir dans son portefeuille.

Le financier soutient que la baisse n'est pas une source d'inquiétude pour lui. « Ça me rappelle la baisse du marché boursier en 2008. Il y a des gens qui pensaient que c'était la fin du système financier international. C'était loin de l'être. On vit présentement le même type d'événement. »

DURCISSEMENT FACE AUX CRYPTOMONNAIES

Pékin et certaines banques sont les derniers en date à durcir le ton face aux monnaies virtuelles. En Chine, où les plateformes d'échanges avaient déjà dû cesser leurs activités en septembre, le gouvernement veut désormais étouffer les ultimes transactions de cryptomonnaies encore réalisées depuis la Chine, a indiqué hier un média officiel. Les autorités ont notamment bloqué l'accès aux plateformes d'échange.

Des banques américaines et britanniques ont choisi de bloquer l'utilisation de cartes de crédit pour acheter des cryptomonnaies, craignant que la chute du cours de ces dernières ne rende leur clientèle incapable de rembourser leurs dettes.

L'utilisation du bitcoin, qui échappe pour l'heure à toute régulation, a fait l'objet de multiples avertissements dans le monde entier de la part des autorités et des banquiers centraux.

Le gouvernement britannique a appelé fin janvier à réguler le bitcoin rapidement, avant que ce dernier ne puisse finir par représenter une vraie menace pour le système financier.

Le sujet sera notamment abordé en mars au G20 Finances, où les ministres français et allemand des Finances vont présenter des propositions communes sur la régulation des cryptomonnaies.

Jonathan Hamel soutient que la majorité des gens dans le secteur demeurent très enthousiastes. « On voit que le Québec et le Canada se positionnent comme un leader. Il y a des centaines de millions de dollars d'investissement qui sont faits dans le minage et les cryptomonnaies avec la bénédiction d'Hydro-Québec, ce qui est indirectement une approbation de l'État. »

Il dit par ailleurs observer une contradiction dans les publications d'affaires traditionnelles voulant que la technologie chaîne de blocs soit intéressante, mais pas les cryptomonnaies.

« C'est impossible d'avoir les propriétés uniques de la blockchain sans avoir l'incitatif des cryptomonnaies. Le marché ne le réalise pas encore. Ultimement, il va y avoir un appel à la raison pour se rendre compte qu'on n'a pas le choix d'avoir une cryptomonnaie sous-jacente dans l'écosystème pour que ça fonctionne. »

- Avec Reuters et Agence France-Presse

ILS N'AIMENT PAS CE QU'ILS VOIENT

Un non-sens

« On nous dit qu'il est possible de se servir du bitcoin comme monnaie. Nous n'arrivons pas à voir quel marchand sain d'esprit l'accepterait comme mode de paiement. Si vous êtes propriétaire d'une entreprise, accepteriez-vous une monnaie dont la valeur peut fluctuer de 20 % par jour comme paiement en échange des biens que vous avez à vendre ? » 

- Extrait de la lettre financière de la firme montréalaise Claret, publiée en janvier

Une folie

« Le fait est que les cryptomonnaies ne sont pas de l'argent. Elles ne sont pas largement utilisées, ni même utiles comme moyen d'échange ou comme valeur refuge. Elles font l'objet de pure spéculation. » 

- Stephen Takacsy, gestionnaire de portefeuille chez Gestion Lester, dans sa plus récente lettre financière, traçant un parallèle avec la tulipomanie observée au milieu du XVIIe siècle

Spéculation débridée

« Certains secteurs du marché font l'objet d'une spéculation débridée. C'est le cas notamment du secteur des cryptomonnaies. Je ne me rappelle pas avoir identifié de tels emportements au cours des années qui ont suivi la crise de 2008-2009. » 

- Philippe Le Blanc, gestionnaire de portefeuille chez Cote 100, dans sa lettre financière publiée vendredi dernier