Chaque lundi, La Presse Affaires invite des professionnels du secteur des placements à discuter de leurs principales préoccupations concernant l'économie et les marchés financiers. Notre invité cette semaine : Stéphane Rochon, vice-président et chef stratège aux services de recherche pour les particuliers chez BMO Nesbitt Burns, la principale filiale boursière de la Banque de Montréal.

Que suivez-vous le plus ces temps-ci ?

Ce sont les informations plus détaillées concernant le plan de baisses d'impôt qui a été adopté à Washington en fin d'année 2017, afin d'en évaluer l'impact sur la trajectoire des prochains bénéfices des entreprises aux États-Unis.

Parce que si cet impact s'avérait aussi positif qu'anticipé, ça pourrait signifier que la Bourse américaine n'est plus aussi chère que le laissent croire certains indicateurs courants de valeur.

Pour le moment, tout demeure assez approximatif. Par exemple, le taux d'impôt réel des entreprises aux États-Unis n'est pas vraiment de 35 %, mais plutôt autour de 26 %, lorsque l'on analyse l'ensemble de leurs résultats financiers.

N'empêche, même si la réduction du taux d'impôt des entreprises s'avérait en réalité être de 26 à 21 %, qui est la cible énoncée par l'administration Trump, on peut déjà en déduire un impact haussier de 7 à 8 % sur le prochain bénéfice par action (BPA) moyen de la Bourse américaine.

Par conséquent, de notre point de vue chez BMO Nesbitt Burns, ça pourrait signaler que la Bourse américaine est moins chère de 7 à 8 % qu'il n'y paraît dans les indicateurs courants, comme le multiple cours/bénéfice.

Et les prochains résultats des entreprises pour leur fin d'année 2017 ?

En effet, on amorce cette semaine la période des annonces de résultats de fin d'exercice 2017 et de perspectives pour 2018 de la part des entreprises cotées en Bourse.

Je m'attends aussi à ce que plusieurs entreprises énoncent des estimations d'impact des baisses d'impôt aux États-Unis sur leurs prochains bénéfices trimestriels.

Pour le moment, ce que l'on sait de ces baisses d'impôt s'annonce très positif à court et moyen termes pour les investisseurs en actions d'entreprises américaines.

De même que pour les investisseurs en actions d'entreprises canadiennes qui ont une part importante de leurs revenus et de leurs bénéfices qui sont générés par leurs activités aux États-Unis.

Dans le secteur financier, par exemple, la Banque Royale (RBC) annonçait il y a quelques jours que les baisses d'impôt dans ses filiales aux États-Unis allaient rehausser ses bénéfices de l'ordre de 150 millions US par an.

À la Banque de Montréal (BMO), ses dirigeants ont fait état d'un gain de 100 millions US par an sur ses prochains bénéfices des activités aux États-Unis [BMO est surtout implantée dans la région de Chicago et du Midwest].

Dans l'économie, que suivez-vous ces temps-ci ?

Nous surveillons surtout les indicateurs de tendance inflationniste dans l'économie que pourraient s'élever au-delà des attentes, notamment en ce qui concerne la masse salariale des entreprises.

C'est préoccupant parce que des pressions inflationnistes accrues pourraient accélérer la remontée des taux d'intérêt en Amérique du Nord et, par conséquent, bousculer le marché des obligations à plus long terme.

Chez BMO Nesbitt Burns, nous estimons que cette "zone à risque" pourrait survenir lorsque l'inflation approchera les 3 %. Nous n'en sommes pas encore là, mais c'est possible que nous y soyons dans un an, au début de 2019.

Pour le moment, dans le marché obligataire, le taux sur les obligations américaines à échéance de 10 ans se situe encore autour de 2,6 %. Mais lorsqu'il s'élèvera au-dessus de 3 %, ça pourrait signifier la fin du bull market [marché haussier] obligataire qui dure depuis 30 ans.

Entre-temps, si ce n'est déjà fait, les investisseurs en obligations doivent protéger leurs portefeuilles en écourtant la durée moyenne de leurs placements obligataires. Afin d'en réduire le risque de dépréciation en cas de sursaut de l'inflation et de hausses de taux accélérées.

Et sur la Bourse canadienne ?

Ces temps-ci, nous surveillons surtout le déroulement des négociations pour le renouvellement de l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Jusqu'à maintenant, ça n'augure pas très bien. Et en cas d'échec des négociations et de fin de l'ALENA, il y aurait évidemment un impact négatif à court terme sur la Bourse canadienne. Le dollar canadien aussi se ferait sans doute massacrer sur le marché des devises.

À plus long terme, cependant, cette dépréciation du dollar canadien serait avantageuse pour la compétitivité internationale des exportateurs canadiens. Ça pourrait même adoucir un peu l'impact de la perte de l'ALENA dans l'économie canadienne.

Dans l'actualité boursière cette semaine

RÉSULTATS TRIMESTRIELS 

À LA BOURSE CANADIENNE 

• Jeudi : Canadien Pacifique (rail)

À LA BOURSE AMÉRICAINE

• Mardi :  Citigroup

• Mercredi : Goldman Sachs, Bank of America, Alcoa

• Jeudi : Morgan Stanley, American Express, IBM

• Vendredi : General Electric 

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

AU CANADA 

• Mercredi : décision de taux d'intérêt directeur de la Banque du Canada

• Vendredi : ventes manufacturières (nov. 2017)

AUX ÉTATS-UNIS 

• Mercredi : production industrielle (déc. 2017)

Sources : Thomson Reuters, billets d'économistes bancaires