Après avoir flambé dans la foulée de la victoire électorale de Donald Trump, Wall Street va voir son euphorie confrontée à son arrivée à la Maison-Blanche et l'application d'un programme économique aux contours encore flous.

Sitôt confirmée l'élection inattendue du candidat républicain le 8 novembre, la Bourse de New York s'était lancée dans une course aux records. Mercredi à la clôture, le Dow Jones était à moins de 200 points du seuil symbolique des 20 000 points après avoir progressé de quelque 8% depuis le scrutin. L'indice élargi S&P 500, souvent considéré comme le plus représentatif, flirtait aussi avec ses niveaux records, en progression de 6% depuis début novembre.

Pourtant le pessimisme des analystes sur la performance annuelle du S&P 500 n'a jamais été aussi élevé depuis dix ans. Ils ne tablent que sur une maigre hausse de 5% en 2017, selon un consensus établi par le cabinet Bespoke Investment.

«Il y a une dichotomie étrange», écrit Nicholas Colas, de Convergex. «La Bourse bat des records, mais une incertitude considérable règne toujours sur ce qui explique fondamentalement un tel coup d'accélérateur des marchés.»

D'autant plus que le consensus préélectoral voyait des marchés plus satisfaits d'une victoire de la démocrate Hillary Clinton que de son adversaire républicain.

Paradoxalement, les investisseurs comptent maintenant sur le programme «pro-croissance» de M. Trump, s'accompagnant d'importantes dépenses publiques, pour faire accélérer l'économie, et sur ses promesses de baisses d'impôts et de dérégulation pour soutenir l'activité des entreprises et la consommation.

Mais, depuis son élection, le futur président n'a pas donné beaucoup de détails sur les mesures prévues, en premier lieu sur leur financement, et certains analystes mettent en garde sur un marché qui prendrait ses désirs pour des réalités, tout en négligeant des aspects a priori plus inquiétants pour les milieux d'affaires comme le protectionnisme.

«Cela fait deux mois que l'on vit dans un monde imaginaire basé sur l'idée de ce qu'il va faire», a relevé Karl Haeling, de Landesbank Baden-Württemberg. «Une fois qu'il va se retrouver aux affaires, on va voir bondir le risque que tout ne se passe pas comme espéré.»

«Environnement sain»

Dans une note publiée début janvier et largement commentée, la banque Morgan Stanley a évoqué l'idée de «vendre l'investiture» du 20 janvier après avoir «acheté l'élection» fin 2016.

«Après tout, qu'est-ce que l'on peut attendre comme nouveaux éléments positifs et enthousiasmants dans les semaines qui suivront» l'entrée de Donald Trump à la Maison-Blanche, se sont interrogés ses analystes.

C'est tout le problème évoqué par plusieurs observateurs: M. Trump a démontré sa capacité à agir à très court terme sur les marchés par de simples paroles - il a par exemple contribué à faire plonger le dollar en début de semaine en le jugeant «trop fort» -, mais, quelles que soient les mesures économiques entreprises, elles mettront des mois, voire plus, à agir sur l'économie.

«Maintenant, les investisseurs doivent ajouter la patience aux espoirs», souligne Gregori Volokhine, de Meeschaert Financial Services. «La seule question, c'est jusqu'à quand va durer leur patience.»

«Pour que les baisses d'impôts entrent dans les faits et qu'elles aient des retombées, ça ne sera pas dans les six mois», a-t-il ajouté, citant à l'appui des propos du directeur général de JPMorgan, Jamie Dimon.

Lors de la présentation des résultats trimestriels, qui ont pourtant largement profité de l'élection du républicain, M. Dimon s'est abstenu d'anticiper un «effet Trump» avant 2018, le temps que soient mises en oeuvre les réformes fiscales du futur président.

Reste que s'il est particulièrement difficile de parier sur l'avenir, certains analystes relativisent l'importance de M. Trump et estiment que la Bourse peut déjà fonder sa hausse sur une économie actuellement plutôt solide aux États-Unis.

«Je pense que la Bourse va continuer à monter lors des deux prochains mois», a avancé Tom Cahill de Ventura Wealth Management. «Les statistiques américaines ont accéléré (...) et je ne vois pas pourquoi ça ne continuerait pas. On est dans un environnement économique sain.»