Surprise dans la surprise: alors que les analystes s'attendaient à une chute de Wall Street en cas de victoire de Donald Trump, les investisseurs jouaient finalement l'attentisme mercredi.

La Bourse de New York se comporte de façon «remarquable», a résumé Chris Low, de FTN Financial.

Mardi encore, en plein déroulement des élections américaines, le consensus semblait clair chez les observateurs: Wall Street voulait voir Hillary Clinton, perçue comme un gage de continuité, gagner la présidentielle, faute de quoi ce serait la débâcle le lendemain.

Dans la nuit, comme se confirmait peu à peu la défaite de la démocrate et la victoire du républicain, tout semblait confirmer ce scénario: les marchés asiatiques et européens ont plongé et les contrats à terme sur la Bourse américaine, témoins habituels de la tendance à venir, annonçaient une chute allant jusqu'à 5%.

Principale inquiétude, «le risque d'une guerre commerciale mondiale», ont souligné dans une note les experts de Pantheon Macro, en référence au discours protectionniste de M. Trump, qui va à l'encontre de son parti républicain en menaçant de remettre en cause plusieurs accord de libre-échange.

Mais «la chute de cette nuit a surtout été provoquée par des investisseurs étrangers» aux États-Unis, a avancé M. Low.

Et quand il a ouvert, Wall Street n'a guère flanché, les principaux indices s'orientant dans le vert après quelques hésitations. À la mi-séance, ils accéléraient même, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average prenant 0,83% et le Nasdaq, à dominante technologique, 0,73%. Quant au dollar, qui chutait dans la nuit, il a nettement rebondi.

Cette résistance des marchés américains, relançant au passage leurs homologues mondiaux, n'est pas sans précédent: ils avaient notamment limité les dégâts au lendemain du vote britannique en faveur du «Brexit», alors que les places européennes chutaient, de même que lors des négociations agitées entre la Grèce et l'Union européenne (UE) en 2015.

Reste que non seulement les États-Unis sont cette fois directement concernés, mais «le Brexit, c'est quelque chose qui a, en gros, duré 48 heures», a souligné J.J. Kinahan, de TD Ameritrade. «Cette fois, c'est quelque chose qui va se prolonger un peu plus.»

Discours décortiqué

Au fur et à mesure que M. Trump va former son gouvernement, «cela va nous emmener jusqu'à la fin de l'année», a-t-il prévenu. «Toutes les séances ne vont pas forcément être délirantes, mais il y aura souvent de grosses fluctuations.»

De fait, les analystes restaient prudents et ne s'avançaient pas à juger Wall Street tiré d'affaire à l'aune de ce qui n'était qu'une réaction initiale, mais ils tentaient déjà d'expliquer cette relative sérénité.

Le discours de M. Trump est désormais décortiqué en fonction des promesses qu'il comporte pour certains secteurs.

Parmi les gagnants, les experts de BMI, un cabinet lié à l'agence Fitch, citaient le secteur des infrastructures, que M. Trump compte développer de façon ambitieuse, du pétrole et de l'énergie, dont il souhaite réduire les régulations environnementales, et de la défense, face aux incertitudes internationales liées aux intentions géopolitiques du républicain.

Les secteurs bancaire et, surtout, pharmaceutique étaient aussi d'ores et déjà soulagés de voir disparaître la menace d'un programme démocrate riche en régulations.

Autre élément considéré par les investisseurs, la victoire de M. Trump «réduit considérablement le risque d'un relèvement des taux par la Réserve fédérale le mois prochain», perspective à laquelle s'étaient largement résignés les marchés, ont avancé les experts de Pantheon Macro.

Toutefois, à plus long terme, M. Trump a marqué sa préférence pour un moindre soutien de la banque centrale américaine à l'économie, ce qui supposerait donc de régulières hausses des taux, et souhaite notamment ne pas renouveler le mandat de sa présidente, Janet Yellen, après son expiration début 2018.

Au final, si un terme domine chez les analystes, c'est «l'incertitude» représentée par la présidence Trump, d'autant qu'il est difficile de déterminer à quel point il pourra bénéficier du soutien de son propre parti républicain, sorti vainqueur des élections législatives mardi, mais méfiant sur bien des points du programme du futur chef d'État.