Accompagné du tout aussi inoxydable vice-président Charlie Munger, Warren Buffett a répondu cinq heures durant aux questions des actionnaires du conglomérat géant Berkshire Hathaway qu'il préside depuis 51 ans, au Nebraska. Loin d'être sibyllins, les propos concis et non dénués d'humour de celui que l'on appelle affectueusement l'oracle d'Omaha sont une bible pour nombre d'investisseurs. Voici un florilège de ses meilleures citations du week-end.

À PROPOS DE VALEANT

« Un modèle d'affaires particulièrement bancal. »

Buffett a aussi sérieusement écorné l'image de la multinationale pharmaceutique établie officiellement à Laval, samedi. Son comparse Charlie Munger n'a pas été tendre non plus à l'endroit des dirigeants de Valeant : « Totalement défaillants. Ils méritent ce qui leur arrive. » L'investisseur militant William Ackman s'est par ailleurs employé à contredire les vieux routiers, sur CNBC hier midi, en soulignant que les coupables avaient maintenant quitté le navire. Le titre, en baisse de plus de 10 % en matinée, a rebondi en après-midi.

À PROPOS DE TRUMP

« L'Amérique s'en remettra. »

Warren Buffett, fervent partisan de la candidate démocrate Hillary Clinton, a bien faire rire les 40 000 actionnaires réunis en assemblée annuelle en minimisant l'impact éventuel d'une victoire du républicain Donald Trump à l'élection présidentielle de novembre. Le pays va dans la bonne direction, a-t-il dit, « aucun candidat présidentiel ou président n'y mettra fin ». Cela ne saurait avoir d'effet non plus sur les rendements de Berkshire Hathaway, a-t-il aussi précisé.

À PROPOS DES BANQUES AMÉRICAINES

« Je n'imagine même pas investir dans 45 des 50 plus grandes banques. »

Le vieux sage, qui n'a jamais aimé les produits alambiqués, croit que les produits dérivés « dont certains sont presque impossibles à évaluer » peuvent représenter une « bombe à retardement » pour le secteur bancaire. Il n'est par contre « pas le moins du monde inquiet » pour les grandes banques Wells Fargo & Co et Bank of America dans lesquelles il est investi.

À PROPOS DE COCA-COLA

« Je prends mes 2600-2700 calories par jour dans des aliments qui me plaisent. Voilà mon seul critère. »

L'amateur de cola aux cerises (lequel compterait pour le quart de son bilan énergétique) répondait aux critiques concernant l'effet de la consommation de boissons gazeuses sur la santé. Berkshire a d'ailleurs augmenté ses mises sur chacun de ses quatre « as », soit American Express, Coca-Cola, IBM et Wells Fargo, l'an dernier.

À PROPOS D'AMAZON

« Un talent extraordinaire »

Warren Buffett n'est pas rancunier. Quand il tire son chapeau à Jeff Bezos, président fondateur d'Amazon, pour sa capacité à saisir les frustrations des consommateurs, il salue en effet devant ses ouailles un succès qui bouscule Walmart, l'une des grandes valeurs de son portefeuille. L'entreprise de Seattle, qui le talonne, est repassée dans le vert à la Bourse NASDAQ hier après avoir plus que doublé de valeur l'an dernier.

À PROPOS DES TAUX D'INTÉRÊT

« Si le gouvernement maintenait les taux d'intérêt à 0 pendant 50 ans, le Dow atteindrait 100 000 points. »

Évidemment, il s'agit d'une autre boutade du gourou, qui évoquait une situation très hypothétique à l'émission Squawk Box sur CNBC. Selon l'investisseur réputé, l'habitude de taux au plancher sur une longue période pousse les investisseurs à acheter des multiples de valorisation de plus en plus élevés sur les actions.

À PROPOS DES DIVIDENDES

« C'est la rançon du succès. »

Berkshire n'a versé qu'un seul dividende en 51 ans d'existence et, selon la légende, Warren Buffett était aux toilettes quand la décision a été prise. Il a toujours préféré réinvestir ses profits plutôt que les distribuer, mais la croissance de l'empire pose de nouveaux défis. « À défaut de pouvoir investir les réserves dans des activités qui créent de la valeur, les prochains dirigeants devront s'engager à rémunérer les actionnaires », a concédé Buffett ce week-end.

À PROPOS DE SA SUCCESSION

« ... »

Le brillant gestionnaire de 85 ans n'a encore rien dit de sa succession, une question qui taraude pourtant de plus en plus ses porteurs d'actions. La rumeur présente Ajit Jain, qui pilote les activités d'assurance de Berkshire Hathaway, comme son dauphin à la tête du groupe. Parmi les autres successeurs potentiels du milliardaire, qui a survécu à un cancer de la prostate en 2012, figurent aussi Matt Rose, président directeur de Burlington Northern, et Gregory Abel, patron de la division énergie.

LA RECOMMANDATION

Warren Buffett est réputé pour son flair pour repérer les aubaines en Bourse. Ce pourrait être le cas pour sa propre société. Les actions de Berkshire Hathaway s'échangent actuellement à 1,35 fois la valeur des actifs sous-jacents, alors que les dirigeants du groupe ont déjà dit qu'ils se mettraient à les racheter si elles se négociaient à 1,2 fois la valeur comptable. L'analyste Gregory Warren, de Morningstar, estime que le titre est sous-évalué et son collègue Meyer Shields, de KBW, qui s'est souvent montré critique, a rehaussé sa cible de prix, hier. En incluant les dividendes, le rendement annualisé des actions de Berkshire Hathaway est de 20,8 % depuis 1965, soit deux fois plus que l'indice S & P 500.