L'irruption sur la scène financière d'investisseurs activistes contestant la gestion de dirigeants d'entreprises pousse Wall Street à envisager un « code de bonne conduite » pour apaiser des relations souvent tendues.

Jamie Dimon, le puissant patron de la première banque américaine JPMorgan Chase, est à la manoeuvre pour rédiger un bréviaire de bonnes pratiques de gouvernance de sociétés cotées en Bourse, ont indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat des sources prenant part aux discussions.

Contactée par l'AFP, JPMorgan n'a pas souhaité faire de commentaire.

Depuis août, le banquier a initié, selon ces sources, des réunions au siège de JPMorgan sur Park Avenue à New York. La liste des participants comprend le gratin des « hedge funds » et le légendaire homme d'affaires Warren Buffett, ami de M. Dimon, dont la société Berkshire Hathaway est présente dans le capital de nombreuses entreprises américaines.

Laurence Fink, le patron du fonds BlackRock, Abigail Johnson de Fidelity, de hauts responsables de Vanguard, Capital Group et du fonds de pension canadien CPPIB font partie de ce groupe de travail.

Un brouillon a déjà été rédigé mais la version finale n'est pas prévue avant deux à trois mois.

Ce guide de bonnes pratiques va répondre aux questions: combien de membres faut-il dans un conseil d'administration? Faut-il séparer les rôles de Président et de DG? Quels facteurs doivent être pris en compte pour la rémunération de patrons? Faut-il publier les résultats une fois ou quatre fois par an? Faut-il donner des objectifs financiers à court terme?

L'initiative prévoit aussi de s'attaquer à un tabou: la limitation à 65 ans des membres de conseils d'administration, selon ces sources.

« Salutaire » 

« Ce ne sera pas une injonction type ''voici ce que vous devez faire'' mais plutôt un panorama des bonnes règles de bonne gouvernance », résume un participant, reconnaissant néanmoins que le poids des fonds derrière l'initiative devrait suffire pour convaincre nombre de grands patrons d'adopter ces recommandations et s'assurer ainsi le soutien de puissants alliés en cas d'affrontement avec les investisseurs activistes.

BlackRock gère à lui seul pour 4600 milliards de dollars d'actifs, tandis que le fonds de JPMorgan Chase gère 1700 milliards investis dans des entreprises de différents secteurs d'activités.

Actionnaires majeurs, les grands fonds américains ont été pris de court par les attaques des investisseurs activistes, qui s'immiscent dans la gestion des entreprises dans lesquelles ils investissent pour demander une création de valeur rapide.

Leurs bras de fer avec les directions sont largement médiatisés et leur valent une réputation de vautours auprès des chefs d'entreprises qui critiquent leur vision court-termiste.

Ils ont forcé à la démission les PDG des deux fleurons industriels américains DuPont et Dow Chemical. Sous leur pression, l'assureur AIG s'est résolu jeudi a leur faire place au sein de son conseil d'administration. Yahoo!, Coca-Cola, Pepsico, eBay, Sotheby's et même Apple ont dû opérer des choix auxquels ils se refusaient initialement.

Ces milliardaires - Carl Icahn, Bill Ackman, Dan Loeb, Nelson Peltz, John Paulson - ont fait des émules parmi les investisseurs institutionnels classiques.

Les deux premiers fonds de pension américains Calpers et CalSTRS ont transformé en 2015 les AG en théâtres de contestations de l'autorité des patrons d'entreprises, réclamant la séparation des casquettes de président et de directeur général, l'indexation de la rémunération à la performance et des engagements sur le plan éthique.

Jamie Dimon a ainsi fait l'objet lors des deux dernières années de résolutions demandant que lui soient retirées ses fonctions de président de JPMorgan Chase. Ces motions, plébiscitées par les influents cabinets de conseils aux actionnaires Institutional Shareholder Services (ISS) et Glass Lewis, ont été soutenues par le fonds souverain de Norvège, un des principaux actionnaires des grandes banques américaines.

Dans ce contexte, l'initiative de M. Dimon est jugée « salutaire » par Glass Lewis, tandis que ISS veut la juger sur pièces.

« Cela ne peut être que positif et peut être un contrepoids à la vue court-termiste de certains actionnaires », estime Robert McCormick de Glass Lewis joint par l'AFP.

Georgina Marshall de l'ISS espère, elle, que « toute orientation future va pousser à plus de dialogue entre les actionnaires et les entreprises pour une meilleure entente et une extinction des points de friction ».