Les places financières saluaient jeudi la décision historique de la Réserve fédérale américaine (Fed) de remonter ses taux pour la première fois depuis la crise, d'autant que cette décision s'accompagne d'un discours très mesuré.

Après des mois de spéculations, le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) a annoncé, à l'issue d'une réunion de deux jours, la première hausse depuis près de dix ans de ses taux, qui étaient presques nuls depuis 2008, une étape importante vers la normalisation de sa politique monétaire.

Après une ouverture en hausse, les Bourses européennes accéléraient la cadence à la mi-journée. Vers 6 h 00, le CAC 40 à Paris bondissait de 2,50%, le Dax à Francfort de 2,88% et le FTSE à Londres de 2,24%.

En Asie, Tokyo a évolué sur la même note, l'indice Nikkei affichant en clôture un gain de 1,6% après avoir déjà fortement augmenté la veille par anticipation. Les places de Shanghai et Hong Kong ont également fini dans le vert, terminant respectivement sur un bond de 1,81% et de 0,79%.

La Bourse de New York avait ouvert le bal mercredi soir, le Dow Jones Industrial Average progressant de 1,28% et le Nasdaq, à dominante technologique, de 1,52%. Les places financières latino-américaines ont réagi dans l'ensemble positivement notamment Mexico qui a gagné 1,22%.

Discours accommodant

«La hausse des taux aux États-Unis était inévitable», remarque Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, la Fed «envoyant ainsi le message que l'économie américaine est en bonne santé et solide».

Pour Michael James, de Wedbush Securities, «les marchés étaient prêts à monter dès la décision de la Fed, du moment qu'ils n'aient pas de mauvaise surprise».

Non seulement ils avaient déjà largement pris en compte cette décision, mais, comme beaucoup d'observateurs s'y attendaient, la banque centrale a pris un ton attentiste dans son communiqué, en mettant l'accent sur l'aspect «graduel» de ses futures actions.

La présidente de la Fed, Janet Yellen, a par la suite confirmé cette prudence en prévenant, lors d'une conférence de presse, qu'il ne fallait pas «surestimer» la signification de cette première mesure, et en s'engageant à ce que la politique monétaire américaine reste accommodante.

Pour le courtier Oddo Securities, le cycle de remontée sera même «hypergraduel».

«Si tout va bien du côté de l'économie (plein-emploi, redressement de l'inflation), il faudrait en effet plus de trois ans pour normaliser la politique monétaire. Personne ne peut prétendre sérieusement se projeter avec confiance à un tel horizon», selon lui.

Les responsables de la Fed «ont eu tellement de peine à arriver à remonter les taux que la dernière chose qu'ils voulaient c'était faire peur», a estimé de son côté Gregori Volokhine, de Meeschaert Financial Services.

Regain modéré du dollar

Le marché de la dette se montrait soulagé et la détente était de mise après la décision de la banque centrale américaine.

Vers 6 h 00, le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne reculait à 0,600% contre 0,678% mercredi à la clôture sur le marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise. Le rendement de même maturité de la France baissait aussi à 0,933%, tout comme celui de l'Espagne à 1,722% et celui de l'Italie à 1,629%.

En dehors de la zone euro, le taux britannique reculait à 1,865% (contre 1,946%).

Aux États-Unis, le taux d'emprunt à 10 ans baissait à 2,238% contre 2,296%, tout comme celui à 30 ans à 2,935% contre 3,004%. Le taux à deux ans bougeait peu à 1,001% contre 1,003%.

Le ton plutôt attentiste adopté par la Fed a été de nature à freiner l'essor du dollar qui devrait a priori nettement profiter de la hausse des taux d'intérêt américains. Vers 6 h 00, l'euro valait 1,0856 dollar, contre 1,0911 dollar mercredi vers 17 h 00.

Les mouvements du dollar étaient aussi modestes envers les devises des pays émergents, pourtant théoriquement très vulnérables à un resserrement de politique de la Fed.

Dans la foulée de la Fed, l'Arabie saoudite, le Koweït et Bahreïn ont d'ailleurs relevé leurs taux d'intérêt, malgré la baisse des cours du brut. L'Autorité monétaire de Hong Kong a également annoncé une mesure en ce sens, sa monnaie - le dollar de Hong Kong - étant indexée sur le billet vert.

La réaction des marchés reste mesurée comparé aux mouvements observés après les annonces de la Banque centrale européenne (BCE) début décembre: les Bourses avaient alors chuté et l'euro avait bondi. La BCE prend une voie opposée à la Fed en renforçant son soutien à l'économie, mais ne l'a pas fait de façon assez marquée pour satisfaire des cambistes aux attentes très élevées.