Les chasseurs d'aubaines ne se sont pas bousculés, hier, au lendemain de la secousse qui a fait perdre à Amaya le tiers de sa valeur boursière. Au contraire, le titre de l'entreprise de Pointe-Claire, qui exploite le site PokerStars, s'est enfoncé plus loin que la veille durant la séance d'hier, pour clôturer la journée en recul de 7% à 19,59$ à Toronto.

«La marge d'erreur de l'entreprise est mince. Avec une dette de 3 milliards de dollars, l'équivalent de cinq fois le bénéfice d'exploitation, c'est un niveau d'emprunt qui me rend inconfortable», commente Philippe Hynes, gestionnaire de portefeuille chez Tonus Capital.

L'atmosphère actuelle et le manque d'appétit des investisseurs de façon générale sont des facteurs qui aident à comprendre la réaction des marchés envers Amaya, selon Bruce Campbell, gestionnaire de portefeuille chez StoneCastle Investment Management.

«Les gens appuient sur la gâchette et posent ensuite des questions», ajoute-t-il. Dans le cas d'Amaya, le fait que l'actionnariat soit concentré et relativement peu diversifié dans des portefeuilles canadiens prêts à défendre le titre est un facteur important, dit-il.

Espoirs de profits rapides

Bruce Campbell soutient que le titre est détenu par beaucoup d'investisseurs qui espèrent faire de l'argent rapidement et qui échangent sur «momentum». «Avec le résultat que lorsqu'un événement négatif survient, ces investisseurs liquident.» Il pense notamment aux investisseurs américains qui négocient le titre d'Amaya. «Ils n'ont pas autant de conviction que les investisseurs canadiens pourraient en avoir, si l'on tient compte de ce qui s'est produit récemment avec les entreprises d'ici qui grandissent par acquisitions. Ils sont donc naturellement moins disposés à défendre le titre après une chute comme celle qu'on vient d'observer.»

Bruce Campbell n'écarte pas non plus l'ampleur de l'impact que peut avoir le prospectus provisoire préparé dans le but de pouvoir émettre au cours des deux prochaines années des titres d'une valeur allant jusqu'à 3 milliards de dollars. «Les investisseurs savent que cette possibilité est présente sans savoir exactement pourquoi c'est en place et ce que ça peut vouloir dire.» Le dépôt de ce prospectus a été annoncé mardi par Amaya.

«Je ne crois pas que la direction d'Amaya, qui détient un nombre significatif d'actions, souhaite diluer l'actionnariat. Je serais surpris que l'entreprise émette des actions, ce qui irait en ce sens», fait valoir de son côté Kevin Wright, de Canaccord.

Les analystes persistent

La communauté des analystes a réitéré son appui à Amaya hier. Les neuf analystes qui suivent le titre continuent d'en recommander l'achat. Le repli boursier les a toutefois forcés à ramener leur cours cible moyen à 37$, soit un niveau de 20% inférieur à celui en début de semaine.

«Oui, les résultats présentés par Amaya sont faibles. Mais ça ne méritait jamais une coupe de cheveux de plus de 2 milliards de dollars dans la capitalisation boursière», commente Ralph Garcea, de Cantor Fitzgerald.

Chez Cormark, David McFadgen explique que la principale raison pour laquelle il répète qu'il faut acheter des actions d'Amaya est la capacité de l'entreprise à générer des flux de trésorerie.

«Franchement, je suis étonné par l'ampleur du repli boursier», dit Kevin Wright. Une correction était méritée pour avoir raté la cible en présentant des résultats inférieurs aux attentes et après que la direction eut révisé ses prévisions, mais le plongeon reflète peut-être aussi une certaine frustration de la part des investisseurs liée au manque de transparence de la part des dirigeants. Kevin Wright aurait notamment aimé que l'entreprise précise mieux l'impact de la force de la devise américaine sur les résultats.

Pour Maher Yaghi, le report du déploiement de l'offre de paris sportifs est l'élément qui a le plus grand impact sur la révision des prévisions. «Tant que nous ne comprendrons pas pleinement les causes de ce report et ce que ça prendra pour créer un produit concurrentiel, mes calculs comporteront un niveau plus élevé d'incertitude», dit-il en soulignant qu'il faudra se résigner à attendre quelques trimestres avant de revoir de la croissance chez Amaya.