Pour les amateurs de bière commerciale nord-américains, le choix se résume donc à une SAB Miller/Anheuser-Bush ou une Molson Coors/MillerCoors, à moins d'être un amateur de la blonde Heineken de type pils. Pour les investisseurs boursiers, c'est plus simplement BUD ou TAP.

Les analystes financiers ont une nette préférence pour la Molson Coors, dont le symbole est TAP à la Bourse de New York. Sept des dix analystes qui s'y intéressent en recommandent l'achat. Pour sa part, le nouveau groupe international, que l'on désignera de manière pratique par son symbole boursier américain BUD, reçoit l'appui ferme de seulement cinq analystes sur huit. Heineken, inscrite seulement à la Bourse d'Amsterdam, vient loin derrière.

Coup de chance, le titre qui obtient le plus d'appuis se retrouve aussi à la Bourse de Toronto, où il est négocié en dollars canadiens sous le symbole TPX. Il s'agit en fait d'actions échangeables en TAP. On distingue par ailleurs entre deux catégories d'actions, un héritage de l'ancienne structure de propriété familiale du plus ancien brasseur d'Amérique du Nord. Les deux classes d'actions comportent indifféremment un droit de vote chacune. Les actions de catégorie B sont le plus communément transigées.

Créée par la fusion de deux grandes brasseries nord-américaines, Molson du Canada et Coors des États-Unis, en février 2005, Molson Coors cultive en fait volontiers l'ambiguïté nationale. Elle a même deux sièges sociaux: à Montréal, au Québec, et à Denver, au Colorado. «Le fait que la compagnie est binationale a incité différentes entités du Canada et des États-Unis à affirmer qu'elle était contrôlée par des intérêts de l'autre pays», note-t-on d'ailleurs sur Wikipédia.

Le titre canado-américain a plus que doublé de valeur depuis deux ans. Il avait bondi de près de 20% à la mi-septembre quand le groupe britannique SABMiller avait déclaré son intérêt pour le belgo-brésilien AB InBev, sachant que le nouveau numéro un mondial devait céder sa participation majoritaire dans le brasseur américain MillerCoors au profit de Molson Coors. Il a ajouté près de 5% à la conclusion de l'accord formel, hier.

Forces et faiblesses

L'analyste Adam Fleck, de la firme d'analyse boursière Morningstar, souligne que Molson Coors fait «une bonne affaire» en mettant la main sur la part manquante de 58% de MillerCoors pour 12,0 milliards US, alors qu'il anticipait une facture de 13,5 milliards US.

Le groupe a bien pénétré le marché en expansion de la bière artisanale avec sa Blue Moon et est aussi bien positionné sur les nouveaux marchés avec des produits innovants comme la franchise de bières fruitées Redd's, note l'expert de Morningstar. L'entreprise brassicole a même réussi à augmenter les prix de ses produits les plus populaires, ces dernières années, dans un marché très compétitif.

À son encontre, Adam Fleck relève que les volumes de Molson Coors baissent alors que de nombreux consommateurs se tournent vers le vin et les spiritueux. Les bières artisanales absorbent de même des parts du marché de l'entreprise fondée sur les rives du Saint-Laurent en 1786, malgré tous ses efforts commerciaux.

De son côté, le groupe BUD est réputé pour son réseau de distribution étendu dans le monde et s'est avéré un acquéreur efficace de marques, souligne l'analyste Philip Gorham, également de Morningstar. Par contre, ses produits-vedettes, la Budweiser et la Bud Light, font face au chômage élevé et à la compétition des brasseurs artisanaux et des entreprises de spiritueux aux États-Unis, note l'expert. Le groupe, par ailleurs absent du continent africain, un marché très prometteur, se retrouve aussi surexposé en Amérique latine, alors que l'économie brésilienne s'affaiblit.