Deux trains séparés de 200 km roulent l'un vers l'autre à une vitesse de 50 km/h. Quand se rencontreront-ils?

Peut-être jamais s'il s'agit de convois du CP [[|ticker sym='T.CP'|]] et de la Norfolk Southern Corporation [[|ticker sym='NSC'|]]. Les milieux financiers voient de gros bénéfices potentiels dans l'attelage des deux géants ferroviaires, mais n'y croient guère.

Bloomberg rapportait lundi que le deuxième transporteur sur rail en importance au Canada songe à faire une offre d'achat pour son homologue de l'Est américain. Selon l'agence financière qui cite des sources proches du dossier, le CP a déjà entrepris des mesures pour financer la transaction de quelque 24 milliards US.

David Tyerman, de Canaccord Genuity, comme plusieurs de ses collègues, croit que la fusion pourrait être très payante. Il note que le titre du CP se négocie à un multiple des bénéfices supérieur à celui de Norfolk, d'où une bien meilleure valeur d'échange.

De plus, le ratio d'exploitation du CP est nettement plus faible que celui de Norfolk - l'un des pires parmi les gros opérateurs américains, en fait - pour de gros gains de rentabilité également.

Le regroupement du CP avec Norfolk Southern serait particulièrement bénéfique pour le transport du pétrole sur rail en créant un réseau unique reliant les régions productrices de sables bitumineux aux raffineries de la côte Est américaine, souligne l'analyste Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux. Cependant, cela ne va pas sans quelques difficultés. Au moins quatre.

Les barrières réglementaires

Pareille transaction fait face à des barrières réglementaires importantes. «C'est un enjeu-clé, car aucune fusion n'a eu lieu entre les chemins de fer de Classe I depuis que la Commission américaine du transport de surface a publié les nouvelles règles en 2001», note Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux.

La concurrence

Advenant que le département des Transports des États-Unis donne son aval à un regroupement de Norfolk Southern avec le CP, la porte serait ouverte à d'autres fusions et acquisitions dans le secteur puisque les autres chemins de fer se retrouveraient alors en désavantage concurrentiel, note encore l'expert de Desjardins.

La surenchère

Selon John Barnes, de RBC Marchés des capitaux, une alliance transcontinentale de grands transporteurs ferroviaires a stratégiquement plus de sens qu'un jumelage nord-sud, compte tenu des contraintes géographiques et des flux de fret. L'expert américain s'attend ainsi à ce qu'un partenaire est-ouest, comme Union Pacific, puisse offrir plus que le CP pour Norfolk Southern.

L'échec passé

David Tyerman, de Canaccord Genuity, rappelle aussi l'échec de négociations semblables entre le CP et le troisième transporteur ferroviaire en importance aux États-Unis en octobre 2014. La fusion avec CSX, omniprésente dans les États de l'Est américain, aurait complété admirablement le réseau du Canadien Pacifique, qui se rend sur la côte du Pacifique, mais qui s'arrête à Montréal, à l'est.

Avec ou sans Norfolk Southern, le CP a toujours la cote dans la communauté financière. Vingt-quatre des 30 analystes qui suivent le titre en recommandent l'achat. C'est deux fois plus que pour le CN. Ainsi, Keith Schoonmaker, de Morningstar, considère le transporteur de Calgary comme sous-évalué compte tenu des «progrès spectaculaires» réalisés depuis que Hunter Harrison en a pris les commandes, en 2012. À 185,78$, l'action CP a lâché en Bourse hier le tiers des gains obtenus sur la rumeur d'une fusion, lundi. Elle est en net retrait depuis son sommet annuel du 16 mars, suivant en cela l'affaiblissement de l'économie canadienne.