La poussée des compagnies pétrolières, qui a permis de boucler un mois d'octobre exceptionnel et d'entamer novembre avec enthousiasme à la Bourse de Toronto, paraît insoutenable à plus d'un stratège boursier.

«Nous suggérons aux investisseurs de réduire leur exposition aux actions canadiennes en raison de la forte performance du secteur de l'énergie en octobre, qui nous semble déraisonnable», écrit l'économiste principal de la Banque Laurentienne, Éric Corbeil, dans la mise à jour de son modèle d'allocation d'actifs.

La Bourse de Toronto a réalisé un rendement de 2,0% en incluant les dividendes au terme du terrifiant mois d'octobre. La grande Bourse canadienne a profité d'une poussée à contre-cycle des titres de ressources, avec les pétrolières aux premières lignes. Celle-ci a culminé mardi avec un gain de près de 4% du prix du pétrole, qui a cédé 3% hier.

Selon Éric Corbeil, les valorisations (absolues comme relatives) attribuées aux titres de l'énergie sont encore peu attrayantes, et les estimations de bénéfices demeurent trop optimistes. L'économiste prévoit notamment que les réserves de brut continueront de s'accumuler à l'échelle mondiale jusqu'à tard l'an prochain.

La Banque Laurentienne avait bien jugé le marché boursier le mois dernier, établissant que le pessimisme extrême des investisseurs - du jamais-vu autrement qu'en récession ou crise financière - créait un «bon point d'entrée» dans le marché boursier.

L'institution financière montréalaise maintient d'ailleurs sa recommandation d'investir 55% du portefeuille en actions, avec surpondération des valeurs américaines et des autres marchés développés au détriment des canadiennes. Les révisions à la baisse des bénéfices attendus lui paraissent une belle opportunité d'augmenter les mises sur les belles américaines.

La qualité prime

Vincent Delisle, de la Banque Scotia, sous-pondère lui aussi le secteur de l'énergie, de même que les autres ressources que sont l'or et les métaux précieux, en plus de diminuer les investissements dans l'industrie de la santé. On comble avec plus d'actions de sociétés industrielles, technologiques, d'assurance ou liées à la consommation discrétionnaire.

Le portefeuille stratégique modèle de la Scotia a réussi à maintenir sa valeur depuis le début de l'année, tandis que le marché boursier canadien accuse une perte de 7,5%. La valeur ajoutée tient principalement à une habile allocation sectorielle ainsi qu'à l'exclusion de la société biopharmaceutique en disgrâce Valeant, note-t-on.

L'approche «qualité» fournit d'ailleurs les meilleurs résultats depuis le début de l'année, alors que l'approche «momentum» donne les pires, au Canada, cette année, note encore Vincent Delisle. Aux États-Unis, l'une comme l'autre ont été très payantes.

Martin Roberge, de Canaccord Genuity, croit pour sa part qu'en l'absence de secteurs dominants, les vedettes de 2016 domineront le marché boursier dès les prochains mois. Il s'agit d'entreprises de l'énergie, avec l'amélioration de la productivité des puits, des chemins de fer canadiens, qui bénéficient de la faiblesse du huard, des compagnies d'assurance-vie, avec le resserrement des taux d'intérêt canadiens et américains, ainsi que des fabricants américains d'équipements de télécommunications, «un cas de redressement industriel typique».

Canaccord sous-pondère par ailleurs les producteurs d'engrais, avec le rouble pris en ornière, et les sociétés canadiennes de télécoms, dont les évaluations relatives ont retrouvé les sommets du tournant du siècle.

Octobre à la Bourse de Toronto

Finance + 1,5%

Énergie + 1,4%

Matériaux + 0,7%

Télécoms + 0,3%

Consommation discrétionnaire + 0,2%

Industrielles + 0,2%

Technologie de l'information 0,0%

Services publics 0,0%

Consomm. de base - 0,1%

Santé - 2,2%

Source: S&P Dow Jones. Les rendements incluent les dividendes.