Plus de 10 milliards d'euros seront en jeu mercredi lors de la mise sur le marché de la Poste japonaise, la plus importante introduction en Bourse au monde cette année, pour une entreprise qui se rêve aussi un avenir hors du courrier et du Japon.

Japan Post Holdings et ses deux filiales financières (Japan Post Bank et Japan Post Insurance) seront placées à hauteur de quelque 10% chacune, une part intentionnellement très limitée pour éviter de trop perturber le marché. La filiale postale Japan Post n'est pour le moment pas concernée.

«Une augmentation progressive est prévue jusqu'à environ 50% pour les filiales financières», a précisé le groupe dans son plan d'objectif 2015-2017.

La somme totale des titres proposés donne un montant d'introduction de l'ordre de 1400 milliards de yens (15,2 milliards de dollars CAD).

L'IPO sera vue comme une réussite si le cours des actions affiche un gain de 5% à la fin de la semaine, estiment des courtiers cités par les médias.

Le gouvernement japonais détient actuellement 100% de Japan Post Holdings, groupe parfois appelé «la plus grande banque du monde» parce qu'il gère pas moins de 200 000 milliards de yens de dépôts (près de 2172 milliards de dollars CAD).

La cession d'actions du mastodonte va ainsi intervenir dix ans après le vote de sa privatisation sous le gouvernement de droite de Junichiro Koizumi (2001-2006), un processus retardé par l'intermède gouvernemental du Parti démocrate du Japon, principale formation de centre gauche qui a gelé le projet entre 2009 et 2012.

Le dossier s'est débloqué avec le retour au pouvoir du Parti libéral démocrate (PLD) et du premier ministre Shinzo Abe fin 2012.

«La mise en Bourse simultanée des trois entités est la meilleure façon de recevoir une appréciation correcte du marché», avait expliqué le PDG Taizo Nishimuro en décembre 2014.

Japon Post Holdings aimerait réitérer les réussites qu'ont été précédemment l'entrée en Bourse du cigarettier Japan Tobacco (mis sur le marché en 1994) ou l'opérateur de télécommunications NTT et de sa filiale de services mobiles NTT Docomo, soulignait dimanche le quotidien économique Nikkei.

Expansion promise, mais prudence de mise

«L'examen des précédents cas d'entreprises privatisées souligne la difficulté de l'environnement pour Japan Post», ajoutait le quotidien.

De Japan Tobacco, Japan Post peut apprendre la nécessité d'une expansion internationale face à un marché national qui tend à diminuer.

«Nous devons étendre nos activités», reconnaît Japan Post qui présente l'immobilier (bureaux, résidences) comme une voie parmi d'autres.

Le rachat du transporteur australien Toll Holding en mai dernier pour 4,6 milliards d'euros est le premier geste censé montrer aux futurs potentiels actionnaires une volonté de développement hors du Japon. «Cette opération va soutenir l'expansion internationale du groupe après son entrée en Bourse», avait alors déclaré la direction de Japan Post.

En revanche, même si le groupe espère bénéficier de l'essor du commerce en ligne (en prenant en charge plus de livraisons et assurant les encaissements pour des tiers), Japan Post ne peut espérer bénéficier d'un environnement aussi bon qu'avait été celui de l'arrivée en Bourse de NTT en 1987, à l'aube d'une bulle boursière, et de NTT Docomo en 1998, au moment de la révolution des télécommunications cellulaires.

Outre le fait que Japan Post doit, de par la loi, entretenir un réseau de 24.200 bureaux de poste pas forcément des plus rationnels, les filiales financières n'ont pas la clientèle jugée la plus idéale.

«Le problème essentiel est le manque d'attrait envers les jeunes générations. Les principaux clients de la banque et de la compagnie d'assurance sont des personnes âgées qui ont tendance à ne pas faire confiance aux sociétés financières privées et qui ne veulent pas prendre de risque. En outre, Japan Post Bank gère essentiellement l'épargne des clients en achetant les obligations d'État, qui ne produisent qu'un petit rendement du fait de l'assouplissement quantitatif de la Banque du Japon. Idem avec Japan Post Insurance», souligne dans une note Global-macro Research Institute qui partage l'avis de nombreux observateurs japonais et étrangers.

Beaucoup s'interrogent aussi sur l'influence politique qui restera assurément forte compte tenu de la part encore détenue par l'État.