Jamais une décision de la Réserve fédérale américaine n'a été attendue avec autant d'impatience et rarement a-t-on vu les boursicoteurs aussi embrouillés après le fait. Le marché des actions a finalement accueilli avec tiédeur la décision de la Fed de maintenir au plancher ses taux directeurs.

L'indice Dow Jones des industrielles de la Bourse de New York a fluctué dans une fourchette de près de 300 points dans les deux heures qui ont suivi l'annonce du statu quo par l'autorité monétaire. D'abord en hausse, ensuite en baisse, puis en hausse, en baisse, en hausse...

En clôture, l'indice phare du marché américain s'inscrit en léger retrait de 65 points, ou 0,4 %, par rapport à la veille. La journée paraît encore plus ordinaire, à voir les 5 points seulement abandonnés par l'indice élargi S&P 500, à 1990. Le NASDAQ des valeurs technologiques est même légèrement positif.

Les volumes n'étaient pas particulièrement élevés pour une séance de septembre, les investisseurs aguerris préférant probablement attendre que la poussière retombe après l'agitation des boursicoteurs et leurs robots.

Les cours s'étaient relevés ces deux dernières séances et jusqu'à ce que la présidente de la Fed, Janet Yellen, mette fin au suspense, hier après-midi. Les vendeurs sur marge couvraient manifestement leur position pour ne pas s'exposer au risque d'une déclaration qui aurait enflammé les cours.

« Je pense que le marché boursier est un peu confus en ce moment, a commenté sur CNBC John Bredemus, vice-président d'Allianz Investment Management. Je ne pense pas que cette déclaration [de la Fed] a enlevé une grande incertitude. On ne sait toujours pas si l'économie américaine peut continuer à croître compte tenu de la faiblesse de l'économie mondiale. »

« Je crois que les investisseurs sont déçus qu'elle n'ait pas agi », a commenté de son côté à l'AFP Sam Stovall, de Standard & Poor's Capital IQ. « La Fed avait une occasion de relever ses taux et elle a choisi de ne pas profiter de cette occasion, alors qu'il n'y en aura peut-être plus beaucoup. »

Impact au Canada

L'indice S&P/TSX du marché boursier canadien a pour sa part terminé en hausse marginale, non sans avoir lui aussi connu de vives fluctuations en séance. Les deux tiers des 247 titres composant l'indice ont profité.

Les secteurs de la santé et les services publics, gloutons en capitaux, enregistrent les plus forts gains. Les fluctuations ont été très fortes chez les pétrolières, qui finissent la session avec aplomb malgré un léger recul du prix du brut.

Les institutions financières, très sensibles à l'évolution des taux d'intérêt, accusent les pertes les plus prononcées. Le sous-indice de la finance a abandonné 0,7 % de sa valeur, malgré le sursis accordé aux bailleurs.

Aux États-Unis, de même, les banques régionales et les assureurs « en mal de taux plus élevés » ont été les titres les plus dépréciés par les investisseurs, note Robert Kavcic, économiste à la BMO. Les sociétés immobilières, les commerçants et les biotechs y sont les grands gagnants.

L'or, qui avait profité de l'accroissement de la masse monétaire américaine jusqu'à atteindre des sommets historiques en 2011, a bien encaissé la nouvelle du maintien des taux d'intérêt à près de zéro aux États-Unis. Le prix de l'once d'or a gagné près de 12 $US sur le coup et vaut maintenant 1130 $US.

La recommandation

Il est courant que des voix s'élèvent pour avertir d'un risque de bulle sur les marchés financiers. Il est plus rare que ce soit des Prix Nobel d'économie. En entrevue au Financial Times en début de semaine, le lauréat 2013, Robert Shiller, a dit croire que les actions américaines sont historiquement chères, même après la récente correction. Shiller, qui est reconnu pour ses travaux sur les comportements des agents sur les marchés financiers, s'inquiète surtout de la perte de confiance des investisseurs dans les valorisations actuelles. Le titre de son ouvrage Exubérance irrationnelle, publié en 2000, avait été maintes fois repris par Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale américaine d'alors.